Retour sur la journée thématique

"Agriculture en Haïti"

Le 11 juin dernier, le CHF a organisé une journée sur la thématique Agriculture en Haïti. Une journée qui a été aussi conviviale qu’enrichissante !

Afin d’apporter du contenu à cette journée, une interview de Michel Chancy, initiateur de l’ONG Veterimed et secrétaire d’État à la production animale sous la présidence de Michel Martelly (jusqu’en février 2016) réalisée par le CHF a été diffusée. Le CHF en profite pour remercier le Groupe Medialternatif et Maïa, volontaire en service civique au sein du CHF, sans qui cette interview n’aurait pu avoir lieu.

Retrouvez l’intégralité de cette interview

Interview Michel Chancy from Collectif Haiti de France on Vimeo.

Lors de cette journée, le CHF a eu la chance d’avoir des intervenants de qualité connaissant très bien le contexte agricole haïtien.

Marc Dufumier, agronome et enseignant chercheur, a été impliqué dans de nombreux projets de développement agricole dans les pays du Sud notamment en Haïti. Également auteur de nombreux livres tels que "Famine au sud, Malbouffe au nord", "Agricultures et paysanneries des tiers mondes", Marc Dufumier a soulevé lors de cette journée l’enjeu de la reconstruction de l’appareil d’État haïtien. Aujourd’hui, beaucoup de familles rurales font le choix d’envoyer les jeunes à l’étranger. Un État fort et démocratique qui remplit ses fonctions permettrait de donner plus de garanties aux familles paysannes pour accéder au foncier, il y a donc une nécessité de sécuriser et réguler le foncier.
Marc Dufumier a également insisté sur la nécessité de prendre en compte l’urgence du reboisement et d’utiliser des techniques de cultures associées pour protéger les sols. Il souligne l’intelligence du jardin créole. Il a ainsi souligné la nécessité d’apporter un appui intelligent et conséquent, et d’aider les investissements locaux en redonnant les capacités d’épargne à la paysannerie.

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Sylvain Aubert, en charge du suivi de coopération en Haïti au sein de l’ONG Agronomes et Vétérinaires Sans Frontières (AVSF), a travaillé dans le Plateau Central sur les problématiques d’installation de jeunes agriculteurs, de mise en place de services aux agriculteurs et de filières de transformation et commercialisation paysannes locales (canne à sucre, lait…). Lors de cette conférence, Sylvain Aubert a rejoint la position de Marc Dufumier en soulignant le fait que le budget de l’Etat dépend beaucoup de l’aide internationale. Les plans d’ajustements structurels définis pour Haïti ces 20 dernières années ont entraîné l’importation de nombreux produits et donc un changement des habitudes alimentaires. Aujourd’hui, on observe une baisse de la capacité des Haïtiens à se nourrir eux-mêmes. Or il y antinomie entre le fait de maintenir des prix bas pour la population urbaine et la nécessité de rémunérer à son juste prix la paysannerie, AVSF s’est donc donné pour défi de défendre la souveraineté alimentaire par le soutien à l’agriculture paysanne haïtienne.

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Jeunevieuve Banatte, haïtienne, coordinatrice adjointe de la section éducation (formation) depuis 5 ans au Mouvement Paysan Papaye (MPP), est actuellement en formation au Centre International d’Etude pour le Développement Local (CIEDEL) à Lyon et travaille sur un mémoire sur le rôle de l’agriculture paysanne dans le développement Local.
L’intervention de Jeunevieuve Banatte a été l’occasion de présenter le MPP, qui est un groupement de paysans d’environ 61000 membres ayant pour objectifs d’organiser le monde paysan à travers plusieurs missions tel que l’organisation de formation, la création d’unité de transformation agricole…Le MPP promeut des activités a travers un centre de formation "Centre National des Cadres Paysans".
Jeunevieuve Banatte a souligné l’influence des multinationales sur les politiques publiques et la sous-évaluation de secteur agricole par l’État. D’autre part, la concurrence déloyale causée par le libre-échange notamment avec les produits de République dominicaine a également été soulevé comme un problème majeur pour le secteur agricole haïtien. Le tourisme entre également en concurrence avec l’agriculture.C’est pour cela que le MPP s’efforce de défendre la souveraineté alimentaire à travers le plaidoyer.

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Claude Torre, responsable chef de projet, division Agriculture, Développement Rural et Biodiversité au sein de l’Agence Française de Développement (AFD) a présenté les actions de l’AFD en Haïti. En Haïti, l’AFD donne priorité aux agricultures familiales et apporte un appui aux politiques publiques pour orienter les financements vers ce secteur. Claude Torre a pris l’exemple de la filière café qui représente un vrai intérêt en Haïti mais qui s’est effondrée faute d’investissements, d’informations et d’appui dans ce secteur. Pourtant, aujourd’hui, le café est produit dans des systèmes d’agroforesterie, ce qui présente un double intérêt environnemental et pour le développement d’une filière. Autre frein, le faible renouvellement des générations dans ce secteur face à la pénibilité du travail et l’absence de système permettant aux paysans d’investir et de gérer les risques.
Claude Torre a également présenté le projet SECAL, un projet d’appui à la Sécurité alimentaire dans le département du Sud. Le projet SECAL, mis en œuvre par le ministère de l’Agriculture, des Ressources Naturelles et du Développement Rural (MARNDR) a pour objectif d’améliorer la sécurité alimentaire en Haïti. Plusieurs filières prioritaires ont été ciblées : les filières maïs, haricots et la filière avicole dans le département du Sud et la filière banane plantain dans les départements de l’Ouest et de l’Artibonite.

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L’après-midi a été l’occasion pour les participants de se réunir autour de 3 sujets de tables rondes:

• Accès aux savoirs par les formations: Divers niveaux de formation agricole existent en Haïti (agent technique, technicien spécialisé, agronome) et le nombre de personnes formées est important. Des formations de formateurs sont organisées afin d’essaimer les connaissances sur le territoire. Le ministère de l’agriculture possède un réseau de centres de formation agricole sur les territoires : les Écoles Moyennes d’Agriculture (EMA). L’articulation des actions de formation agricole avec ces structures est très importante mais pour l’instant peu existante compte tenu du contexte politique complexe et des problèmes de finances publiques. Le groupe a également souligné l’importance du rôle des élus locaux dans les projets.

• Accès aux procédés (transformation, commercialisation…): La transformation et la commercialisation ont été définies comme des enjeux majeurs du développement de l’agriculture en Haïti. Le problème est souvent celui des transports pour la commercialisation et de l’accès aux intrants pour la transformation des produits. La nécessité d’organiser des coopératives locales a été vue comme une solution pour pallier les problèmes de commercialisation et de transformation. Le processus est long mais cela permettrait de créer du lien et de la dynamique.

• Accès aux financements (microcrédits…): Le traitement du sujet de cette table ronde a été vu de deux manières. Première, il a été évoqué l’accès au financement des associations soutenant des projets de développement agricole en Haïti et donc à savoir par quel biais elle finançait les actions qu’elles mènent en Haïti avec leur partenaire. Deuxièmement, le sujet de l’accès au financement par les agriculteurs ou les associations d’agriculture a été discuté. Des moyens de financement existent en Haïti tel que le microcrédit, les mutuelles de solidarité, les caisses populaires… il conviendrait alors de travailler sur l’accompagnement des partenaires haïtiens dans cette démarche de prise de risque et de création d’activités génératrices de revenus par le biais de ces financements pour assurer leur autonomisation.