Le Collectif Haïti de France, Coordination Sud et l’Espace de Partenariats Franco-Haïtiens

Lettre ouverte
au Président de la République française

à l’occasion de sa visite prévue en Haïti le 12 mai 2015

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Copie à :
Monsieur Laurent Fabius, Ministre des Affaires étrangères et européennes
Madame Annick Girardin, Secrétaire d’État au Développement et à la Francophonie
Monsieur Mathieu Hanotin, Président du groupe d’amitié France-Haïti à l’Assemblée Nationale

 
Monsieur le Président,

Vous allez effectuer un déplacement en Haïti ce 12 mai 2015 et les ONG françaises de solidarité internationale et de développement œuvrant en Haïti depuis de nombreuses années vous remercient de l’intérêt que vous témoignez par votre visite à cette Nation francophone.

Vous aurez certainement à cœur d’apprécier, plus de 5 ans après le séisme majeur qui a fait 230 000 morts et 1,5 million de personnes laissées sans abris, les besoins criants de la reconstruction.

Vous pourrez mesurer la réalité de la reconstruction et des engagements pris par la communauté internationale lors de la conférence internationale des donateurs pour un nouvel avenir en Haïti qui s’est tenue le 31 mars 2010 à New York. Aux côtés des engagements publics français, nous vous invitons à prendre connaissance de ce qui a été entrepris par les collectivités et associations françaises directement, avec l’appui de la coopération française ou celui de la Fondation de France. Vous verrez que beaucoup a été fait mais aussi que ce qui reste à faire est encore bien plus vaste.

Haïti est une Nation courageuse et solidaire traversée par une forte tension « rural / urbain » avec une paysannerie ingénieuse et battante mais qui doit faire face à de multiples contraintes (naturelles, isolement, manque de moyens, climat…) qui entrainent l’accroissement des risques économiques et environnementaux.

Par manque de moyens financiers, l’Etat haïtien est relativement faible, les services publics défaillants, la décentralisation inexistante, la démocratie souvent mise à l’épreuve, la justice et le droit malmenés tous les jours, et l’impunité constitue un frein à un développement au service de tous et de la démocratie. Ces conditions sont peu propices à générer des solutions sur la question de l’intérêt général du plus grand nombre. Dans ce contexte, l’émigration continue d’être une alternative dans les trajectoires et stratégies individuelles. Elle entraîne, cependant, à la vue et au su de tous, des injustices innommables dans la proche région, notamment en République Dominicaine et dans une moindre mesure dans les DOM français de la Caraïbe.

C’est pourquoi, nos associations, ONG françaises de solidarité internationale œuvrant depuis une trentaine d’années en Haïti et membres de l’Espace de Partenariat Franco-Haïtiens, souhaitent attirer votre attention sur les questions suivantes:

  1. Le respect des droits humains dans le pays et à l’extérieur pour les migrants : nous déplorons qu’environ 1 million d’Haïtiens n’ont pas d’état civil, nous réclamons l’application des conventions internationales pour les travailleurs migrants et leurs familles, dans les DOM français et la République Dominicaine.
  2. Le droit à l’éducation pour tous sur lequel nous avons une responsabilité particulière, l’enseignement en français primant sur le créole, le droit à la formation professionnelle étant quasiment inexistant et l’accès à l’université trop élitiste et peu ouvert aux formations technologiques, à la mobilité des jeunes, au droit à l’information et à la liberté d’expression. Nous souhaitons une coopération forte France/Haïti sur les sujets relatifs à l’éducation, à la formation professionnelle et à l’enseignement du français.
  3. Le droit à la souveraineté alimentaire par un soutien à l’agriculture familiale et à l’agro-écologie. Les Accords de partenariat économiques (APE) maintiennent les paysans haïtiens dans un état de dépendance et vont à l’encontre du développement d’une agriculture locale qui permettrait de subvenir aux besoins alimentaires de la population d’une part et de générer des richesses pour le pays d’autre part. Nous vous demandons de plaider en faveur des agricultures des pays du Sud lors des renégociations de ces accords et de favoriser les échanges commerciaux entre les DOM et Haïti au sein de la CARICOM.
  4. L’appui technique aux institutions haïtiennes en vue d’un renforcement des services publics pour la mise en œuvre de la décentralisation et des services publics de base : eau, assainissement, gestion des déchets, reboisement. Nous souhaitons que la France apporte son savoir-faire aux collectivités locales haïtiennes par des échanges de pratiques.
  5. Le devoir d’assistance pour développer les capacités nationales dans la prévention des risques environnementaux (cyclones et séismes), mais surtout ceux dus au changement climatique. Nous souhaitons que la France apporte son soutien à la participation des Haïtiens à la conférence de Paris sur le Climat.

Nos partenaires et les acteurs de la société civile haïtienne (médias, droits de l’homme, associations de femmes, organisations paysannes) pourront encore mieux que nous, vous présenter leurs efforts pour « un nouvel avenir en Haïti » qui ne saurait se résumer à la reconstruction de Port-au-Prince.

Nous vous appelons, Monsieur le Président, à prendre en compte nos préoccupations dans le cadre de l’élaboration de la position globale de la France face à la situation haïtienne. Il en va d’une réponse cohérente, adaptée et respectueuse de la souveraineté du peuple haïtien.

Nous vous prions de croire, Monsieur le Président, en l’assurance de notre haute considération.

 

Les organisations membres de l’EPFH signataires:
Architectes Sans Frontières
Association Monique Calixte
AVSF
Désir d’Haïti
France Volontaires
GREF
Haïti Futur
L’APPEL
Solidarité Laïque
SOS Enfants Sans Frontière
Zanmi La Santé Paris

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