Haïti, l’aide impossible ?
Quelques idées retenues de la soirée-débat
à Chambéry (Savoie), le 14 février 2014
140 personnes ont assisté à cette conférence, au Centre de Congrès « le Manège » à Chambéry.
Comment les Haïtiens vivent-ils l’aide internationale qu’ils reçoivent ?
Djakinston JOSEPH (Haïtien en formation pour un an au CIEDEL à Lyon) donne le ton de la soirée par son témoignage : l’aide internationale qui a déferlé sur Haïti après le séisme de 2010 a été subie par les habitants. Ils vivent l’omniprésence des ONG et des institutions internationales comme une forme de néocolonialisme.
Quel bilan tirer de l’aide internationale apportée en Haïti depuis 2010 ?
La réponse de Frédéric THOMAS (auteur de « l’échec humanitaire : le cas haïtien », 2013) est sans équivoque : le bilan de l’aide d’urgence, vitale, est plutôt positif ; mais celui de l’aide apportée à la reconstruction du pays est globalement un échec.
La principale cause tient au fait que les Haïtiens n’ont pas été suffisamment associés à cette reconstruction. Certes la communauté internationale n’a pas trouvé dans l’état haïtien un interlocuteur très dynamique : il était déjà très faible avant le séisme qui l’a décimé ; certes une concertation était prévue ; certes l’ampleur de la catastrophe était telle que n’importe quel état aurait été dépassé. Mais le fonctionnement des acteurs internationaux (ils doivent rendre des comptes à leurs bailleurs, ils suivent des procédures standardisées), et leur perception d’Haïti (on ne peut vraiment faire confiance à un état qui montre une telle corruption, une telle inertie) explique qu’ils n’aient pas pris de réels moyens pour travailler avec les Haïtiens.
Le résultat est navrant : aucune réflexion globale sur une reconstruction du pays dans le cadre d’un développement durable n’a abouti, peu de bâtiments, d’infrastructures ont été reconstruits, les Haïtiens ont le sentiment que les structures internationales ont utilisé pour leur propre fonctionnement l’essentiel des sommes collectées…
Une collaboration efficace pour le développement d’Haïti est-elle possible entre les Haïtiens et les acteurs internationaux ?
Une table ronde aborde cette question. Les intervenants Franz CADET (Président de la Fondation Max Cadet, Secrétaire du Collectif Haïti de France), Magali AGOSTI (Directrice de Pays de Savoie Solidaires), Roger TREMEY (Hydraulique sans Frontières) et Pierre BERANGER (VOAM) décrivent la façon dont leurs associations s’impliquent auprès des Haïtiens, et pointent plusieurs questions :
– Nous avons en Haïti des partenaires. Mais la relation que nous construisons avec eux est-elle vraiment un partenariat ? Par qui sont-ils désignés ? Mènent-ils des actions indépendamment de nous, ont-ils d’autres partenaires que nous ? Tiennent-ils une place de responsables, de co-responsables ou d’exécutants des actions dans lesquelles nous sommes impliqués ?
– Nous menons en Haïti des projets. Qui détermine les besoins auxquels ils répondent ? Qui valide ces projets, après la phase de réflexion ? Qui évalue ces projets, quand ils sont menés à terme ?
– Quelles relations entretenons-nous avec les autorités haïtiennes ? Les autorités locales sont-elles informées, consultées, partenaires ? Nos actions s’inscrivent-elles dans les programmes prioritaires définis par l’Etat ?
– Cherchons-nous à renforcer les capacités de gouvernance par les Haïtiens ?
Jean-Louis VIRET, Président de VOAM