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Alternatiba Lyon 11 octobre 2015
Intervention de Paul Vermande, de l’Association Lyon-Haïti Partenariats (LHP)
Pour le compte du réseau PAFaD
« Les Nord(s)/Les Sud(s) : souveraineté alimentaire et changement climatique »
Je vais prendre comme exemple, au Sud, Haïti, pays où ma femme et moi avons vécu pendant 6 ans et où nous retournons chaque année depuis 2001 pour rester solidaires, dans le cadre de partenariats au sein de PROJETS de développement, via le CHF et LHP.
Au Nord en France, le PIB est de 70 €/jour/personne en moyenne,
Au Sud…exemple d’Haïti, il est de 2 €/jour/personne, en moyenne également.
Que peut-on faire, que peut-on manger avec 2 € par jour ?
En Haïti, pays montagneux où 50 % de la population vit dans les campagnes, chaque famille sur 1 ha de terre à cultiver, comment les ruraux utilisent-ils ces 2 € gagnés grâce à la vente de leurs légumes, fruits, lait, charbon de bois… ? Avec cette somme, ils doivent acheter ce qu’ils ne produisent pas (huile, sucre, sel, épices…), payer l’écolage des enfants, se déplacer, acheter les piles pour le poste de radio ou le téléphone portable, enfin se soigner, ce qui n’est souvent pas possible… Les paysans consomment « en autarcie » les produits de leurs cultures et de leurs élevages (chèvres, vaches, poules), mais cela ne suffit pas toujours à assurer leur souveraineté alimentaire, car ils possèdent peu de réserves et une sècheresse ou une inondation, dues en grande partie aux changements climatiques peuvent anéantir leurs récoltes et leurs animaux.
De plus en Haïti, le monde rural est mis à mal par les accords de libre échange, qui ont conduit à l’importation importante de riz américain, vendu à un prix bien inférieur à celui du riz produit en Haïti. Comment mettre en concurrence des productions faites à la main et sans subventions d’aucune sorte, avec celles qui sont faites avec des machines, des engrais, des produits phytosanitaires et avec des subventions publiques ? Malgré les excuses publiques de Bill Clinton, qui a reconnu son erreur en imposant ces accords de libre échange sans droits de douane, ces importations continuent, nuisent à la production locale et ruinent certaines familles de paysans. D’autres produits sont importés avec une taxe quasiment nulle.
Pour qu’Haïti puisse atteindre sa souveraineté alimentaire, il faudrait :
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Supprimer les accords de libre échange et organiser l’approvisionnement des villes,
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Reboiser massivement les pentes, où l’érosion mine les terres cultivables,
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Faire des aménagements pour l’EAU (mini-barrages, protection des sources…),
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Construire des routes, des écoles, des centres de santé…et les faire fonctionner,
… tout ce qui n’a pas pu être fait au cours des 19e et 20e siècles, tant qu’Haïti a dû payer à la France le rachat de son indépendance (jusqu’en 1945) et rembourser aux USA le reliquat de dette vendu par la Caisse des dépôts et consignations (occupation d’Haïti par les USA de 1915 à 1934).
On constate que les pouvoirs publics haïtiens et les grands organismes de coopération, ne prennent pas suffisamment en compte les difficultés des populations, qu’elles soient rurales (« le Pays en Dehors ») ou périurbaines. Ce sont les communautés qui s’organisent en associations et qui vont à la recherche de fonds à l’extérieur en s’adressant aux ONG, aux Eglises, aux bailleurs étrangers, aux associations de Solidarité Internationale… Ainsi l’Association des Paysans de Vallue (section communale au-dessus de Petit-Goâve), a pu en 28 ans d’existence, grâce à la volonté de ses membres, grâce à des apports extérieurs et à une bonne gestion, mettre en place 50 groupes d’alphabétisation, construire avec ses habitants : 10 km de route bétonnée, des bâtiments communautaires, des écoles, un centre de santé, un atelier de transformation de fruits, et assurer une formation pour la préservation des arbres, le compostage, l’entretien de la nature, l’agro-écologie déjà mise en pratique les aide. Mais sa situation, comme celle de presque tout le pays, reste fragile et à la merci des aléas climatiques.
En Haïti aussi, le changement climatique se manifeste par une désorganisation des saisons, et par l’alternance de périodes de sècheresse et d’inondations, une intensification des cyclones qui affectent gravement les récoltes. Au début de 2015, la sècheresse a entraîné le tarissement de beaucoup de sources d’altitude, une diminution de 30 à 50 %des récoltes et a fait périr un nombre important d’animaux. L’ONU vient d’ailleurs de débloquer 25 millions de dollars pour éviter la famine dans certaines régions !
Dans bien des cas, ceux qui ne peuvent vivre correctement, surtout les jeunes, quittent leurs terres pour « chercher la vie » ailleurs ; ils EMIGRENT d’abord dans les grandes villes du pays, où ils ramassent les miettes des populations plus nanties, mais très vite la misère les contraint à migrer à l’étranger : en République Dominicaine (1/2 million à 1 million d’Haïtiens ou de desendants d’Haïtiens), dans les autres îles de la Caraïbe, dont Cuba (300 000), en Amérique du Nord (1,5 million), en Amérique du Sud, actuellement surtout au Brésil…
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Ces Haïtiens qui s’exilent par suite des dérèglements climatiques, doivent être considérés comme des « Réfugiés climatiques »( Quel statut ?). Je m’associe aux propos de Nicolas HULOT (Le Monde du 8/10) qui proclame « Nous assistons en spectateurs informés, à la marche vers la catastrophe globale » – « Osons affirmer que la crise climatique est l’ultime injustice …Osons crier que la solidarité n’est plus une option, …mais la condition indispensable à la paix ».
Quelles conséquences pour nous, habitants des Nords ?
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Il est nécessaire de changer notre mode de vie, de consommer moins et sans doute mieux.
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Utilisons les économies faites par cette décroissance de consommation, partageons notre richesse et nos surplus avec des associations partenaires des pays du Sud, en construisant avec eux des projets qui répondent à leurs demandes et à leurs besoins. L’Association « Lyon Haïti Partenariats » a mis en route une laiterie à Vallue, elle lance aussi un appel pour le parrainage de l’école pour que les enfants de paysans puissent aller jusqu’au bout de la scolarité secondaire ; 10 €/mois avec 66 % de réduction d’impôts, c’est peu pour nous, beaucoup pour eux ! 80 associations du Collectif Haïti de France ont des partenariats avec des associations d’Haïti
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Le réseau PAFaD du CADR à Lyon auquel nous participons fait un plaidoyer auprès des autorités et des futurs élus régionaux pour que l’agriculture familiale soit prise en compte ici et là-bas, que les jeunes agriculteurs puissent s’installer, que des circuits courts de commercialisation puissent fonctionner, que les actions de coopération internationale décentralisée soutiennent l’agriculture des petits paysans dans les pays du SUD.