Cet article a été posté par Anne le 8 mai 2013  sur le site des Volontaires Echanges&Partenariats.

Il fait suite à un premier article intitulé ‘Les non-trottoirs de Potoprens’ , écrit le 12 avril 2013.

Dans le cadre du partenariat entre le Collectif Haiti de France et le GARR – Groupe d’Appui aux Rapatriés et Réfugiés – et du projet d’appui aux migrants haitiens sur les territoires français, Anne mène une mission d’appui-accompagnement depuis mars 2011.

Anne est actuellement en temps de capitalisation finale.


Les non-trottoirs de Potoprens, la suite

L’Association des Etats de la Caraïbe ? Jamais entendu parler avant l’organisation de son 5ème sommet, ici à Port-au-Prince du 23 au 26 avril 2013. Créée en 1994, c’est une organisation internationale ayant pour but de promouvoir la consultation, la coopération et l’action concertée entre tous les pays de la Caraïbe. Un de ses objectifs est de promouvoir le développement durable dans la Grande Caraïbe pour concilier développement économique et respect de l’environnement.

Avec la réception de ce sommet, Haïti est sous les feux de la rampe une deuxième fois en deux mois (accueil du 24ème sommet des chefs d’Etat et de gouvernement de la Caricom en février). Le gouvernement est soucieux de donner une belle image d’Haïti, une image différente de celle que l’on montre souvent. Alors on s’active pour essayer de faire faire peau neuve à la capitale et la faire passer pour ce qu’elle n’est pas : on répare les trous des rues, on taille les arbres, on nettoie les rigoles pleines de déchet et on fait déguerpir les marchands et marchandes des trottoirs en détruisant leurs marchandises et en leur mettant des coups au passage…

Deux semaines avant l’organisation de ce sommet, un beau camion rouge de la mairie de Port-au-Prince a débarqué dans la rue de mon bureau, accompagné d’une voiture de police : opération musclée de déguerpissement et de saccage des marchands et marchandes présent-e-s sur les trottoirs. Sans préavis ni possibilité de simplement remballer leurs marchandises, les commerçant-e-s se voient soudainement dépouillé-e-s de leurs biens, jetés en vrac dans la benne du beau camion rouge. Et ceux ou celles qui tentent de protéger leurs affaires se prennent des coups de pieds et de poings ainsi que des coups de crosse de fusils, dont sont armés les policiers.
 

Opération de saisie des biens de marchands de rue, 10.04.13, Port-au-Prince |

crédit photographique: Cindy DROGUE

Alerté par un passant, un employé du bureau sort pour prendre des photos de cette indigne opération. Il se fait alors brutaliser par les agents de la police qui décident de l’arrêter pour avoir commis une infraction : celle de photographier une opération de police… Tandis que les responsables du bureau parlementaient avec les policiers, l’un d’entre eux a subitement décidé de tirer deux coups de feu en l’air, sans prendre en considération le nombre de personnes massées autour de lui, ni l’école maternelle située juste en face.

Malheureusement, il ne s’agissait pas d’un événement isolé et le contexte aujourd’hui est assez inquiétant. Les petit-e-s marchand-e-s aimeraient ne pas avoir à vendre dans la rue où ils et elles sont exposé-e-s aux dangers de la circulation et de la pollution. La question des marchés publics relève d’un gros enjeu dans ce pays où le taux de chômage est très élevé et où le commerce informel représente une des seules formes de survie possibles. C’est là tout l’enjeu d’un développement durable et il n’est pas acceptable que l’Etat haïtien, au prétexte de rendre ses rues propres, sacrifient les acquis démocratiques et les libertés individuelles.