Communiqué

Pour une solution haïtienne à la crise actuelle

La Coordination Europe-Haïti a pris note de la décision du Conseil Electoral Provisoire, le vendredi 22 janvier, de reporter à nouveau le deuxième tour des élections présidentielles en Haïti. La décision n’a surpris personne, étant donné les critiques continues et croissantes exprimées par les organisations haïtiennes d’observation sur la validité des résultats des élections du 9 août et du 25 octobre. Face aux nombreuses irrégularités signalées par la Commission d’Évaluation Électorale Indépendante, la population ne croit plus à la possibilité d’organiser des élections transparentes et correctes.

La Coordination Europe-Haïti a relevé que la Mission d’Observation Électorale de l’Union Européenne a choisi de défendre la légitimité des résultats du scrutin du 25 octobre et ceci malgré la décision du Gouvernement haïtien de reporter le deuxième tour sine die. La Mission d’Observation de l’UE est la seule mission internationale à adopter une position si tranchée.[1]

La situation actuelle du pays est préoccupante, aussi bien du point de vue politique, que social et économique. Notons le taux grimpant de la monnaie locale par rapport au dollar américain, l’impact du choléra et le virus Zika, et la situation de la sécurité alimentaire (cf. les derniers analyses de la Coordination Nationale de Sécurité Alimentaire) Or la réponse aux besoins les plus basiques de la population haïtienne ne passera que par l’élection de responsables politiques élus dont la légitimité ne puisse être contestée par un grand nombre de secteurs de la société haïtienne.

C’est pourquoi la Coordination Europe Haïti affirme que la communauté internationale se doit de respecter l’autonomie du pays. Ces derniers mois nous avons été témoins de manoeuvres tendant à l’ingérence dans le processus électoral haïtien. Le candidat Jude Célestin a ainsi reçu des pressions diplomatiques visant à le faire revenir sur sa décision de non-participation au deuxième tour des élections présidentielles. Par ailleurs, alors que le Bureau du Contentieux Électoral National haïtien a strictement appliqué les prescriptions du Conseil Électoral Provisoire, la mission d’observation de l’UE a choisi de donner sa propre lecture des procès-verbaux des bureaux de votes. [2]

Dans le contexte actuel, la Coordination Europe-Haïti pense qu’il revient aux partis politiques et organisations de la société civile organisée haïtienne d’organiser un dialogue constructif pour aboutir à l’élection démocratique d’un président, d’un parlement et d’un gouvernement local. C’est aux Haïtiens et Haïtiennes d’imaginer une sortie de crise, une solution à la situation pour laquelle il n’existe pas de cadre constitutionnel en ce moment.

La communauté internationale, et l’Union Européenne en premier lieu, doit prendre conscience que les critiques exprimées par les acteurs haïtiens, organisations et individus, concernant l’ingérence étrangère dans leurs affaires nationales ont atteint un niveau historique. Il est urgent de laisser Haïti aux mains de sa population. La Coordination Europe-Haïti invite donc l’Union Européenne à adopter des postures et décisions allant dans ce sens.

La CoEH appelle la MOE-UE à :
– Arrêter de minimiser les irrégularités « graves » assimilables à des fraudes, tels que constatés par le BCEN et la CEEI lors des vérifications et dénoncés par la grande majorité de la société civile et par l’opposition politique.
– Arrêter de vouloir tenir absolument aux résultats des élections de 2015, qui ont été parsemé d’irrégularités sérieuses et d’incidents parfois très violents.
– Faire preuve d’indépendance et de professionnalisme non seulement dans ses observations, mais également dans sa communication publique concernant les constats de ses observations.

La CoEH rappelle l’UE et la délégation à Port-au-Prince :
– Le maintien des subventions aux autorités locales avec des Agents Exécutifs Intérimaires nommés par le président (non-élues) a été un signal contradictoire aux principes démocratiques et aux lignes directrices du programme OSC-AL. [3]
– La nécessité d’améliorer de façon significative la prise en compte des analyses, opinions et propositions des organisations de la société civile locale exprimés lors des consultations.
– L’importance de prévoir un rôle plus important aux organisations de la société civile dans le cadre du dialogue politique et des prises de décisions sur les politiques d’aide à adopter.

Au nom de la Coordination Europe-Haïti,
Evert-Jan Brouwer, coordonnateur


1 http://www.eueom.eu/files/pressreleases/english/CommuniqudepresseMOEUEHati.23-01-2016.pdf

2 http://www.alterpresse.org/spip.php?article19565

3 https://webgate.ec.europa.eu/europeaid/online-services/index.cfm?ADSSChck=1444835707599&do=publi.detPUB&searchtype=RS&aofr=150424&debpub=&orderby=upd&orderbyad=Desc&nbPubliList=15&page=1&aoref=150424