Qui aurait cru que plus 33 ans après le départ de Jean-Claude Duvalier et les luttes acharnées menées par les leaders de la génération de 1986, que les Haïtiens allaient continuer à vivre en 2019 dans ces conditions infrahumaines ? Les crises à répétition, les privations de toutes sortes, les scandales de corruption, l’insécurité généralisée, le black-out deviennent tellement coutumier aux Haïtiens d’aujourd’hui que ceux qui élèvent la voix contre ces anomalies apparaissent parfois très étranges pour ne pas dire dérangeants aux yeux du grand public. Nous sommes le pays des crises par excellence. Chez nous une crise chasse une autre quand elle ne l’aggrave ou ne se superpose à d’autres existantes.   

Le Premier ministre démissionnaire, Jean Michel Lapin, a déjà entamé les consultations en vue d’une augmentation des prix du carburant dans le plus bref délai. Ce qui se disait tout bas est désormais communiqué dans la presse. Les autorités préparaient l’opinion publique depuis des mois à une éventuelle hausse des prix à la pompe. C’était entendu. Mais la situation est devenue beaucoup plus compliquée avec les rumeurs et les dénonciations de parlementaires qui ne facilitent pas la tâche en ce qui concerne une probable hausse des prix du carburant sur le marché haïtien dans les jours à venir.

Les premières réactions des syndicalistes font croire qu’ils vont apparemment s’opposer à cette décision. Le moment n’est pas opportun pour une telle décision. D’autres observateurs diraient que, dans l’état lamentable dans laquelle vit la population, aucun moment- dans le court terme- ne sera d’ailleurs favorable. Et la communication dans cette affaire. Si les autorités pouvaient s’adresser à la population et jouer cartes sur table, on envisagerait ainsi planifiée et réfléchie de poser le problème et essayer de trouver ensemble une sortie à cette impasse qui risque d’asphyxier le pays.

Cependant, dans l’état actuel des choses, quelle autorité haïtienne a les épaules assez solides pour faire une telle annonce à la nation ? Le déficit de crédibilité dont souffrent les autorités, les crises à répétition, les scandales de corruption, la gestion de l’insécurité grandissante greffée aux autres problèmes socio-économiques de base comme les risques de famine, le chômage, l’inflation, constituent de véritables obstacles à toute communication franche entre la population et ses dirigeants. Le silence troublant du président de la République, depuis quelque temps, est la preuve éloquente que le courant ne passe pas.

Encore une fois, on s’interroge face à cette nouvelle rareté du carburant sur la capacité des Haïtiens à s’adapter aux situations les plus imprévisibles. Le marché noir bat son plein. Même si tout le monde se plaint de la rareté, la république ne meurt pas pour autant. On se demande encore pourquoi les consommateurs sont si prompts  à acheter le gaz au marché noir et rejettent toute velléité de l’État d’augmenter les prix à la pompe. Peut-on déduire que la stratégie de l’usure des décideurs a marché ? 

L’incertitude continue de primer durant cette période déjà difficile de rentrée des classes.  Les décideurs devront faire preuve d’innovation pour sortir le pays de cette galère. Les accusations, les dénonciations et les aveux des sénateurs n’arrangent pourtant pas les affaires du Premier ministre nommé, Fritz William Michel, impatient sur le « starting block ». Ratifié à la Chambre des députés, l’avenir de Michel semble se compliquer au fil des jours.  Le pays risque de nager encore des mois dans des approximations très préjudiciables pour la stabilité, l’économie. Ce qui ne peut que compromettre le développement et l’avenir d’Haïti qui s’écrivent dans des lettres très sombres en cette fin de semaine de réouverture des classes.