31 décembre 2009
Depuis 1984, la Cimade est la seule ONG présente dans les prisons pour étrangers que le gouvernement dissimule sous le nom de centres de rétention administrative (CRA).
Elle défend quotidiennement l’accès à ce qui reste de droits aux étrangers en situation irrégulière, les assistant pour préparer leur défense devant les différentes
juridictions auxquelles ils ont recours ou devant lesquelles ils
doivent être présentés. Sur décision de juges, cette défense aboutit à
la libération d’un certain nombre de personnes. Trop, d’après le gouvernement. Qui vient de prouver à quel point il tient dans le plus profond mépris les
notions les plus élémentaires du droit en expulsant, sans avoir obtenu
de laissez passer de leur pays, neuf afghans le 9 décembre dernier.
La Cimade témoigne chaque année dans un rapport de la situation dans ces prisons pour étrangers. Ce faisant la Cimade dérange et le gouvernement veut la faire taire. C’est ainsi que le 26 décembre, continuant l’œuvre de musellement
gouvernemental, le préfet des Pyrénées Atlantiques a interdit l’accès
du CRA d’Hendaye à Patrick Peugeot, président de la Cimade. Usant d’un artifice et prenant prétexte de la loi sur les marchés publics et la mise en concurrence, le gouvernement a obtenu que la Cimade ne soit plus présente, à partir du 1er
janvier, que dans quelques centres. En opérant un tel morcellement
géographique, cette réforme veut empêcher la société civile d’avoir une
vision globale de la politique d’enfermement des étrangers et de
demander des comptes à l’Etat sur les conditions trop souvent honteuses
dans lesquelles des êtres humains sont parqués.
Le gouvernement cherche clairement à remplir les objectifs de quotas
d’expulsions qui lui ont été assignés par Nicolas Sarkozy, en expulsant
vite en catimini, y compris dans des pays en guerre où la sécurité des
expulsés n’est pas assurée, et si possible sans que les tribunaux
interviennent et aient la possibilité de dire le droit et de le faire
respecter. En imposant un renouvellement annuel des contrats des
ONG intervenant dans les centres de rétention, il les met en
concurrence et se donne les moyens de sélectionner les plus obéissantes. Les ONG qui entreront le 1er janvier 2010 dans les CRA doivent savoir qu’elles prennent une très lourde responsabilité. Sarkozy rêve de démanteler la défense des
étrangers et de transformer les CRA en de véritables camps de rétention
de plusieurs centaines de places où les étrangers sans papiers
pourraient être enfermés sans jugement pendant des mois (18 mois selon
une directive européenne voulue par la France), comme cela se pratique déjà dans plusieurs pays européens.
Désormais, toute la question est de savoir si les ONG qui pénètreront dans les
centres de rétention vont accompagner cette évolution ou la combattre.
En répondant à l’appel d’offres du gouvernement, elles sont également
devenues comptables aux yeux des citoyens et de l’opinion
internationale de ce que vont devenir les CRA. Leurs dirigeants aussi.
RESF déclare qu’il sera particulièrement attentif à l’application stricte du
droit pour tous les cas portés à sa connaissance, dans l’ensemble des
CRA, et quelle que soit l’association présente. RESF réaffirme
avec force qu’il refuse l’enfermement des étrangers pour des raisons
administratives. RESF continuera à faire largement connaître et à
informer de ce qui se passe habituellement hors de la vue de l’opinion
publique, il continuera à dénoncer l’enfermement et la privation de
liberté de tout mineur et de ses parents, la casse et le démembrement
des familles par l’expulsion d’un père ou d’une mère, la destruction de
l’espoir lors de l’expulsion d’un jeune scolarisé au prétexte qu’il est
devenu majeur. RESF continuera à dénoncer une politique du chiffre de
plus en plus ouvertement pratiquée dans des buts électoralistes et
xénophobes et appelle toutes les consciences et tous les citoyens à
refuser toute instrumentalisation des étrangers.