En septembre 2006, la Société des amis de la République haïtienne a lancé un appel à tous les maires français et aux présidents des collectivités pour qu’ils intensifient leur coopération avec Haïti. La Société des amis de la République, créée en juin 2005, comprend des collectivités territoriales, des associations et des individus. Le philosophe français Régis Debray en est devenu récemment le président.
La semaine dernière, le journal Le Monde a publié une tribune libre de Régis Debray. Voici le texte :

Point de vue
Appel à l’aide pour Haïti, par Régis Debray
LE MONDE | 23.01.07 | 14h01

Fin 2006, des élections municipales se sont tenues dans toute la République haïtienne. Ce premier retour à la règle démocratique offre une chance à ce peuple mal-aimé de pouvoir à nouveau respirer. Aidons-le à la saisir. Elle est fragile. Raison de plus pour que notre pays vienne en aide à son ancienne colonie.

Pour l’heure, l’anarchie et le crime – pillages, viols, rapts crapuleux, tortures, assassinats – demeurent les maîtres obscurs de bien des quartiers de Port-au-Prince. Avec l’aide de l’ONU, le pouvoir légitime tente d’y faire face. La partie n’est pas gagnée. En quoi nous concerne-t-elle ?

La République française ne saurait oublier ce qu’elle doit aux esclaves insurgés de Saint-Domingue : l’abolition de l’esclavage par la Convention. C’est peut-être grâce à ce combat commun que notre pays est celui des droits humains, et pas seulement du mâle blanc, riche et colonisateur. Souvenons-nous également des lourdes indemnités exigées par notre pays pour admettre l’indépendance de la première République noire.

Ce rappel ne vise pas à une quelconque repentance anachronique, mais à un minimum d’esprit de responsabilité et de fraternité. Les maires de France et les présidents de région connaissent bien les ressources de la coopération décentralisée, qui peuvent s’avérer décisives pour la réussite de leurs homologues d’Haïti. Si les maires nouvellement élus au pays de Toussaint Louverture n’ont pas les moyens d’améliorer rapidement le sort de leurs concitoyens, le désespoir reviendra.

C’est pour s’opposer à ce fatalisme et lutter contre l’indifférence que s’est fondée la Société des amis de la République haïtienne. Et c’est en son nom que j’en appelle à tous les maires de France et aux autres responsables politiques, pour qu’ils apportent soutien et aide à leurs collègues d’Haïti.

Ils feront honneur à la francophonie. Redonneront sens à des mots fatigués : fraternité, égalité et solidarité. Et renoueront, un à un, les anneaux de notre mémoire transatlantique.
Régis Debray est écrivain et philosophe.