Protocole d’accord sur la migration en vue entre Haïti et le Chili

Entre vendredi 2 mars et lundi 5 mars tôt dans la matinée, environ 230 Haïtiens arrivés à l’aéroport de Santiago, en provenance de Port-au-Prince, se sont vu refuser l’accès au territoire chilien et ont été renvoyés vers la capitale haïtienne, selon des informations communiquées par la compagnie aérienne LAW et la police chilienne (PDI).

« C’est la première fois qu’un groupe aussi important de personnes se voit refuser l’entrée au Chili depuis le début de l’immigration haïtienne vers ce pays », rapporte Justine Fontaine, correspondante de la Radio France Internationale (RFI) à Santiago, indiquant que des passagers ont attendu 4 jours francs, et même davantage pour certains, avant d’être embarqués dans un vol de retour vers Haïti mardi 6 mars.

Selon la police chilienne, les personnes refoulées ces derniers jours ne disposaient pas d’une réservation d’hôtel valide parmi les documents apportés pour solliciter leur entrée sur le territoire en tant que touristes. Une information que ne dément pas le ministre haïtien des Affaires étrangères. « Dans certains cas, l’adresse qu’ils ont donnée n’existe pas, dans d’autres cas la personne qui répond à l’appel de l’agent de l’immigration déclare qu’elle ne connait pas le nouveau visiteur », a fait savoir Antonio Rodrigue sur les ondes de Radio Magik 9 mercredi matin.

Le ministre haïtien des Affaires étrangères, Antonio Rodrigue, a aussi évoqué des cas de passeports « falsifiés ». La plupart de ceux qui voulaient se rendre au Chili avaient dans leur document de fausses lettres d’invitation ou de travail. Toujours selon le chancelier haïtien, ces voyageurs n’avaient pas en leur possession la somme de 1000 dollars américains exigée à tous les « touristes » comme droit d’entrée. Certains parmi eux ont déclaré venaient pour des études. « Mais ils n’étaient pas en mesure de présenter la lettre d’acceptation de l’université », a poursuivi le chancelier haïtien.

Les droits des migrants haïtiens piétinés

Des associations des droits de l’homme ont dénoncé la longue attente ainsi que les conditions dans lesquelles ont été retenus les passagers haïtiens à Santiago avant d’être renvoyés chez eux. Pour l’Institut chilien des droits de l’homme, un organisme public indépendant, ces personnes ont été retenues dans des conditions contraires à la dignité et au respect des droits humains.

En effet, après sa visite à une soixantaine de passagers mardi, l’Institut a confirmé que ces citoyens haïtiens ont dû dormir à même le sol, sans couvertures, sans se doucher, privés de leurs bagages et de leur passeport. Les avocats de l’organisme affirment aussi qu’on ne leur a pas donné suffisamment de nourriture, et très peu d’informations sur leur situation. La plupart ne parlaient pas espagnol et ne savaient pas pourquoi ils avaient été refoulés ni quand ils allaient repartir vers Haïti.

En réponse à ces critiques, Latin American Wings (LAW), principale compagnie visée, a expliqué aux médias qu’elle n’avait pas eu de vol disponible plus tôt pour leur éviter cette situation.

LAW suspend ses vols vers Haïti pendant 15 jours

Principale compagnie reliant Haïti au Chili, LAW a annoncé lundi qu’elle suspendait ses liaisons vers Port-au-Prince jusqu’à deux semaines, en raison du grand nombre de refoulements des passagers haïtiens. 48 heures, le ministre Antonio Rodrigue déclare sur Magik 9 qu’il n’a pas été formellement informé de cette décision et appelle l’OFNAC (Office nationale de l’aviation civile) à diligenter une enquête.

« Il y a un travail qui doit être effectué en amont. Il ne faut pas se contenter de vendre les billets. Il faut pouvoir vérifier avant le départ, si les documents des voyageurs sont en règle et s’ils remplissent toutes les conditions », a exigé Antonio Rodrigue.

« Nous avons toujours agi de manière proactive dans le pays, informant nos passagers de leurs droits et devoirs. En particulier, la responsabilité qui leur correspond, à savoir les documents nécessaires imposés par l’autorité locale au moment d’entreprendre le voyage », se défend la compagnie aérienne chilienne dans le communiqué, annonçant sa décision de suspendre ses vols vers Haïti, s’octroyant ainsi une période prudente pour analyser la situation.

L’attitude discriminatoire de la police chilienne remise en cause

Si pour la PDI, il s’agit avant tout d’une procédure normale lorsqu’une personne ne remplit pas les conditions requises pour entrer dans le pays conformément à la loi sur l’immigration, les associations de défense des droits humains accusent la police chilienne d’agir de manière discriminatoire en refusant à ces citoyens haïtiens d’entrer au Chili.

Car ni la loi migratoire ni son décret d’application ne précisent qu’il serait obligatoire d’avoir une réservation d’hôtel pour pouvoir entrer au pays en tant que touriste, ce que souhaitaient ces voyageurs haïtiens. Pour le Service jésuite aux migrants, l’une des principales associations de défense des droits des immigrés au Chili, la police a donc eu une attitude discriminatoire envers les Haïtiens, d’autant que ce document est rarement demandé aux touristes par la police. La loi exige simplement de présenter son passeport et prouver qu’on a les moyens de séjourner sur place.

Alors que les cas de refoulement des passagers haïtiens se multiplient, le chancelier haïtien annonce pour bientôt un protocole d’accord concernant la migration entre les deux Etats. Le document est actuellement déjà à l’étude au sein du ministère, a souligné Antonio Rodrigue qui s’attend à un durcissement de la politique migratoire du Chili dans le contexte de changement de régime.

Le gouvernement de droite, présidé par le milliardaire Sebastian Piñera, qui prend ses fonctions ce dimanche 11 mars au Chili a promis une nouvelle loi migratoire prochainement. Le ministre de l’Intérieur étudie aussi la possibilité de limiter l’accès des Haïtiens au territoire chilien.