Jean-Jacques Dessalines, le vainqueur de Napoléon Bonaparte : nouveau film d’Arnold Antonin

Paru dans Alterpresse

Le nouveau film d’Arnold Antonin, Jean-Jacques Dessalines, le vainqueur de Napoléon Bonaparte, est un apport passionnant au cinéma d’Haïti et du monde. Antonin a ainsi réalisé le tout premier film haïtien de long-métrage sur la Révolution haïtienne et la guerre d’indépendance et le tout premier documentaire au monde sur Dessalines. A l’heure où les cinéastes haïtiens et étrangers s’intéressent de plus en plus à Toussaint Louverture, Antonin offre au public d’Haïti et d’ailleurs un regard complexe sur le père de l’indépendance haïtienne. Le film aligne une impressionnante brochette de professeurs et d’historiens haïtiens qui proposent une nouvelle mise en perspective de Dessalines pour le 21ème siècle. Il s’agit notamment de Pierre Buteau, Jean Casimir, Michèle Pierre-Louis, Jean Alix René, Bayyinah Bello, Vertus Saint-Louis, Jhon Picard Byron, Lesly Péan, Gaétan Mentor, Marc Ferl Morquette, Daniel Elie et d’autres.

Le film d’Antonin place en résonance entre eux et avec le narratif du film ces intellectuels tout en les alternant avec des scènes d’archives et de fiction, mettant en scène des comédiens jouant Dessalines (Hollandy Desrosiers), Boirond Tonnerre ( Gaël Pressoir), Claire Heureuse (Esmeralda Milcé) ainsi que des illustrations et des animations novatrices. Le film offre également ces beaux panoramiques et ces vues aériennes auxquelles nous ont habitués les films d’Antonin tel que Ainsi parla la mer/Men sa Lanmè a di (2020).

Jean-Jacques Dessalines, le vainqueur de Napoléon Bonaparte, ce dernier film d’Antonin, s’appuie sur de solides sources historiques en combinaison avec de nouvelles appréciations de la vie et de l’héritage de Dessalines. Antonin rappelle que la Révolution haïtienne était l’une des trois grandes révolutions de son époque (après les États-Unis et la France) mais que les conservateurs étrangers ont cherché à l’effacer de l’Histoire, à cause de sa détermination de porter « jusqu’au bout les valeurs prônées par les autres » et de son combat pour la liberté, rendue inséparable de la lutte contre le racisme et l’esclavage. Le film traite de la révolution haïtienne et de la guerre d’indépendance, tout en focalisant sur Dessalines lui-même.

En tant que spécialiste du cinéma haïtien et francophone, il y a plusieurs choses que je trouve significatives dans ce film, en plus d’être le tout premier long-métrage sur la Révolution haïtienne par un réalisateur haïtien. L’une est la lutte d’Antonin contre l’idée que Dessalines « a massacré les Blancs ». Comme l’expliquent plusieurs des intervenants, l’armée de Dessalines combattit l’ennemi, les Français, en leur rendant la pareille. Il n’a pas orchestré le massacre de tous les blancs. Les Polonais, les Prussiens et les soldats allemands qui ont déserté l’armée française et combattu aux côtés des Haïtiens ont été protégés par Dessalines, tout comme d’autres Blancs. Deuxièmement et le plus important, même si Dessalines est souvent diabolisé par les étrangers pour sa « brutalité », le film souligne que Napoléon, lui-même, était bien plus féroce ; son style de combat était caractérisé par des massacres dans toute l’Europe. Comme le souligne Pierre Buteau (président de la Société Haïtienne d’Histoire, de Géographie et de Géologie), les Français menaient une « guerre d’extermination » en Haïti ; Dessalines a compris qu’il devait anéantir ses ennemis ou risquer que tous les Haïtiens le soient .Troisièmement, plusieurs intervenants d’Antonin soulignent la modernité de la Constitution de Dessalines ainsi que son approche de la stratégie militaire. Là où certains universitaires étrangers ont parlé de l’armée de Napoléon affrontant une « armée d’anciens esclaves aux pieds nus », les intervenants soulignent dans le film la fine intelligence stratégique de Dessalines et son utilisation de la meilleure technologie militaire possible pour combattre les Français au même niveau.

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