Oxfam : portrait d’un géant de l’humanitaire

Dans la tourmente après la révélation du recours de certains de ses employés à des prostituées lors de missions à Haïti, l’ONG pourrait voir ses aides publiques amoindries

Ce dernier, ainsi que la Commission européenne, menacent de retirer leurs financements. Quelle est l’envergure de cette organisation ? Comment fonctionne-t-elle ? Qui la finance ? Portrait de ce géant de l’humanitaire.

1. De l’université d’Oxford à une confédération internationale

Oxfam – le nom vient d’une contraction de « Oxford Committee for Relief Famine » (Comité d’Oxford pour la lutte contre la famine) – est née en 1942 en Angleterre. La Grèce, alors touchée par un blocus des alliés cherchant à affaiblir l’armée allemande, qui occupe le pays, souffre d’une famine terrible. Dans la ville universitaire, un groupe d’enseignants et de militants (dont des quakers, un mouvement dissident de l’Eglise anglicane) lance un appel aux dons.

Par la suite, Oxfam organise des actions d’urgence dans d’autres pays touchés par les crises alimentaires et par les catastrophes naturelles. Oxfam va aussi développer un mode d’action encore peu utilisé à l’époque : les campagnes d’opinion, qui associent les citoyens à un travail de plaidoyer auprès des décideurs publics, en faisant appel à des personnalités comme les Beatles ou les Rolling Stones.

C’est désormais une puissante confédération de 20 ONG affiliées, dont une en France depuis 1988. Oxfam s’associe, en outre, avec plus de 3 500 organisations partenaires, qu’elle finance ou équipe en partie. Elle dispose enfin d’un secrétariat international à Oxford et de « bureaux de plaidoyer » (lobbying) à New York, Washington, Bruxelles, Genève et Addis-Abeba (ce bureau éthiopien servant de liaison auprès de l’Union africaine).

2. Un financement qui reste en grande partie public

L’ONG emploie plus de 10 000 salariés et 50 000 bénévoles pour agir dans 90 pays. Un réseau tentaculaire qu’il faut financer. C’est notamment pour cette raison qu’elle a ouvert, dès la fin des années 1940, des magasins de seconde main. Ils sont actuellement plus de 1 200, dans huit pays, et rapportent près de 180 millions d’euros par an.

Oxfam dépend toutefois, pour environ 40 % de ses ressources, des Etats ou d’organisations internationales. Depuis le début du scandale haïtien, le gouvernement britannique et la Commission européenne ont menacé de retirer leurs financements. Soit respectivement 36 et 68 millions d’euros par an, si l’on considère l’ensemble de l’enveloppe de fonds européens.

Près de la moitié des ressources d’Oxfam dépend de financements publics

Ces chiffres représentent les ressources financières consolidées de l’ensemble de la confédération Oxfam, soit un total d’environ 1 milliard d’euros pour l’exercice allant du 1er avril 2015 au 31 mars 2016.

0 100 200 300 400 500

Financement publicFinancement privéBailleurs publics nationauxUE et institutions européennesONU et institutions des NationsuniesAutres bailleurs publicsAutres institutionssupranationalesFonds privés (dons, loteries…)VentesONG et autresAutres ressourcesIntérêts et revenus desinvestissements

 
Source : Rapport annuel 2016

3. Un programme ambitieux à Haïti

Outre le tremblement de terre de 2010 (plus de 230 000 morts) et l’épidémie de choléra qui l’a suivi, Haïti a dû affronter en 2016 les ravages de l’ouragan Matthew, qui a fait replonger l’île dans une nouvelle crise humanitaire.

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En plus des interventions d’urgence (réparation des systèmes d’approvisionnement en eau, construction d’abris, distribution d’aide alimentaire), Oxfam essaie d’enclencher une dynamique de plus long terme. Elle a ainsi mis en place un programme de transition destiné « à intégrer les secours et le développement de la sécurité alimentaire à moyen et long terme, après quatre années d’intervention d’urgence ». Elle s’attache aussi à « améliorer la résilience de groupes particulièrement marginalisés et vulnérables dans les zones urbaines et rurales, notamment les femmes et les filles ».

Haïti : 11e plus gros programme d’Oxfam

Exercice du 1er avril 2015 au 31 mars 2016

0 10 20 30 40 50

Soudan du SudRépublique démocratique du C…NépalYémenEthiopieSierra LeoneMaliMozambiqueTerritoire palestinien occupéRépublique unie de TanzanieHaïtiBirmaniePakistanPhilippinesChineTchadLibériaRépublique arabe syrienneJordanieKenya

Philippines
Dépenses spécifiques au pays : 12,6 millions d’euros

L’ONG consacre près de 14 millions d’euros par an pour l’ensemble de ses programmes à Haïti. En revanche, l’association donne assez peu de détails sur son organisation sur place et la répartition des moyens.