La FIDH vient de publier un nouveau rapport sur la situation en Haïti.
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Communiqué :

Paris, Port-au-Prince, le 10 novembre 2005 – *A un mois de la tenue annoncée du premier « round » des élections générales en Haïti, la FIDH publie un rapport d’enquête sur les deux ans d’administration du gouvernement de transition et de présence de la Mission des Nations unies en Haïti (MINUSTAH) et sur des faits recueillis entre août 2004 et août 2005.

Le gouvernement de transition n’a pas été en mesure de répondre aux multiples défis posés par une société haïtienne meurtrie par des décennies de graves et systématiques violations des droits de l’Homme, appauvrie, fracturée socialement et au sein de laquelle tous les services de l’État sont en situation de total délabrement.

Au terme de deux ans de transition, le pays semble toujours à la dérive et au bord du chaos social : l’insécurité reste généralisée, l’impunité est patente, la corruption est généralisée, 60 % de la population vit en dessous du seuil de pauvreté, la décentralisation est restée lettre morte, la tenue des élections dans les délais initiaux pose des problèmes structurels qui seront difficiles à surmonter pour aboutir à des élections libres et pluralistes, d’autant qu’elles vont se dérouler dans un contexte d’insécurité majeure ; on a vu aussi que la mise sur pied d’une réflexion nationale pour un nouveau contrat social reste dans une large mesure une coquille vide, tout comme la question du désarmement qui dans les faits demeure extrêmement limité. Enfin, la professionnalisation de la police, les enquêtes sur les violations des droits de l’Homme passées et présentes, et le respect des droits fondamentaux ne progressent pas malgré les efforts affichés.

En effet, les violations des droits de l’Homme continuent d’être le fait d’une police dont les membres responsables de violations des droits de l’Homme n’ont pas été mis à pied mais aussi et surtout résultent des acteurs multiformes à l’origine d’une insécurité galopante ; les groupes de Chimères sont toujours actifs tout comme les anciens militaires et les groupes mafieux en quête de pouvoir. La FIDH considère, en outre, que la lutte contre l’impunité est très largement insuffisante et ne répond pas aux espoirs et aux besoins de justice du peuple haïtien comme en témoignent la présentation en septembre 2005 d’un projet de décret d’amnistie générale ou la libération de Louis Jodel Chamblain en août 2005.

La FIDH estime qu’un certain nombre d’obligations de l’État ne sont pas remplies : garantir le droit à la vie, à l’intégrité physique et morale, à ne pas être privé abusivement de sa liber té, à un procès juste et équitable, à la santé, à un logement décent, au travail, à un niveau de vie suffisant. Les violations des droits des femmes persistent.

Quant aux interventions de la communauté internationale, elles n’ont pas empêché la situation politique, économique et sociale de se dégrader. Le bilan de la mission de la MINUSTAH — rétablir la sécurité et préparer les élections — n’est pas probant même si les blocages et l’état de déliquescence des structures étatiques (notamment la police et l’administration de la justice) ne peuvent être sous-estimés dans ce bilan négatif. Dans ce contexte la tenue des élections reste un défi posé aux Haïtiens et à la communauté internationale.

La FIDH publie en conclusion du rapport un certain nombre de recommandations au gouvernement haïtien et à la communauté internationale afin que soient engagées les réformes nécessaires à l’établissement de l’État de droit et au respect des libertés publiques et individuelles en Haïti.

*La FIDH appelle notamment les autorités haïtiennes à :*

* Procéder au désarmement complet des groupes armés, assurer leur
démobilisation effective et leur réinsertion dans la vie civile,
particulièrement pour les personnes mineures ayant pris les armes,
ainsi qu’établir une stratégie globale pour le désarmement des
populations civiles, notamment en établissant une commission
nationale du désarmement ;
* Garantir que les individus démobilisés responsables d’actes
criminels et de violations des droits de l’Homme soient traduits
en justice.
* Garantir des élections libres et pluralistes, notamment en
garantissant le droit de voter et de prendre part à la direction
des affaires publiques sans aucune discrimination et à cette fin,
faire en sorte que tous les citoyens, y compris ceux qui résident
dans des sections communales, puissent prendre par t au processus
d’enregistrement ;
* Procéder à l’évaluation des agents de la PNH et poursuivre en
justice ceux qui parmi eux se sont rendus coupables de violations
des droits de l’Homme et dûment les sanctionner ;
* Lutter contre la pratique de la torture et des mauvais traitements
encore infligés par la PNH et ratifier la Convention contre la
torture et son protocole additionnel ;
* Procéder aux réformes nécessaires afin de garantir pleinement le
droit à un procès juste et équitable ;
* Lutter contre la pratique des détentions arbitraires et des
détentions provisoires de longue durée ; et
* Garantir le délai légal de garde à vue qui est de 48 heures selon
la Constitution ;
* Développer l’inspection des commissariats et des postes de police
afin de contrôler les registres et la légalité des détentions ;
* Donner un statut au Conseil supérieur de la magistrature afin
d’organiser et contrôler l’autonomie du pouvoir judiciaire par
Préciser le statut de la magistrature afin de garantir la
transparence des procédures de nomination et d’évolution et sur
tout en Procéder immédiatement à des enquêtes impartiales dans
tous les cas de décès suspects des détenus, d’allégations d’actes
de tortures et engager des poursuites judiciaires à l’encontre des
auteurs ;
* Agir activement pour la lutte contre l’impunité conformément à
l’Accord politique du 4 avril 2004 (section A points d et f) et
aux instruments de défense des droits de l’Homme et notamment en
refusant toute loi d’amnistie ayant pour conséquence d’absoudre
les auteurs de violations des droits de l’Homme.
* Développer et pérenniser la consultation des organisations de
défense des droits de l’Homme dans l’élaboration des normes, de la
mise en œuvre et du contrôle effectif de celles-ci dans les
domaines précités, particulièrement dans la lutte contre l’impunité ;

*et la communauté internationale à :*

* Intensifier son aide à la restructuration de la Police nationale
d’Haïti (PNH) et veiller effectivement au respect des droits de
l’Homme par la PNH ;
* Intensifier son action d’enquête sur la situation des droits de
l’Homme, rendre publiques ses activités et ses observations, et
travailler de concert avec les ONG nationales de défense des
droits de l’Homme ;
* Assurer que l’organisation des élections respecte les principes et
normes internationaux applicables en la matière, à défaut de quoi
la répétition de la mascarade électorale de l’année 2000
plongerait Haïti dans une crise durable