Les priorités d’Haïti sont-elles mesurées à l’aune des besoins immédiats ?
En annonçant à la presse haïtienne que les sept axes prioritaires de l’administration Moïse-Lafontant seront soumis aux autoritaires taïwanaises, un conseiller spécial du chef de l’Etat a vendu la mèche par maladresse. Quel accord ou quelle convention sera signée entre les chefs d’Etat des deux pays en matière de coopération bilatérale ? Comment un chef d’Etat en visite officielle dans un autre pays peut-il soumettre les axes prioritaires de son gouvernement à l’approbation de son homologue ? Il est certain que pour des raisons stratégiques, géopolitiques et humanitaires, un pays peut venir en aide à un pays ami en difficulté. Cependant, aucun pays ne peut dépendre d’un autre pays pour la totalité de ses axes programmatiques en matière de développement.
Depuis la rupture des relations diplomatiques entre la République dominicaine et Taïwan le 1er mai 2018 par décret présidentiel, au profit de la Chine continentale, tous les regards sont braqués sur Port-au-Prince, amie de longue date de Taipei. S’il faut comparer la coopération entre Taïwan-République dominicaine et Taïwan-Haïti, un monde de différence sépare les termes de ces rapports. 57 entreprises taïwanaises se sont établies en République dominicaine depuis plusieurs années. Aucun investissement direct de Taïwan n’est enregistré en Haïti. En matière de relations commerciales, pour l’année 2017, les échanges commerciaux entre les deux pays se chiffraient à 197 millions de dollars. En dépit de la bonne santé des relations entre les deux pays, le gouvernement Medina estime que le rôle de la Chine continentale dans le futur de la République dominicaine et les nombreux appuis de ce pays au développement sont à la base de la décision de rompre les relations diplomatiques avec Taïwan.
La visite cette semaine d’une importante délégation haïtienne conduite par le président de la République vise, selon toute vraisemblance, à resserrer les liens entre Haïti et Taïwan. Deux semaines avant cette visite officielle, une délégation conduite par le chancelier haïtien avait séjourné à Taïwan dans le but de préparer le terrain. Le choix d’aller vers Taïwan, au moment où de nombreux pays d’Afrique et d’Amérique latine lui tournent le dos, devrait ouvrir la voie à une coopération différente de celle qui existe depuis une soixantaine d’années. Est-ce en fonction des garanties obtenues des autorités de Taïwan qu’un conseiller spécial de Jovenel annonce que les sept axes prioritaires de l’administration Moïse-Lafontant seront soumis au gouvernement taïwanais ?
En attendant la vulgarisation des accords conclus entre les deux pays, l’administration Moïse-Lafontant a tout intérêt à redynamiser la coopération entre Haïti et Taïwan. En sa qualité de 27e économie mondiale, la République de Chine dispose d’atouts majeurs pour promouvoir une coopération dynamique avec notre pays. Qu’il s’agisse de son poids en matière technologique, du développement de son industrie et de la bonne santé de ses techniques agricoles, le choix de Taïwan au détriment de la Chine continentale ne doit plus être mesuré à l’aune des besoins à court terme des officiels de l’Etat comme c’était le cas auparavant.