Paru dans Le Nouvelliste

Dans le film documentaire d’Arnold Antonin, « Jean-Jacques Dessalines, le vainqueur de Napoléon Bonaparte », l’Empereur Jacques 1er monté à cheval, sort de son tombeau. Il est ressuscité. Avec mes yeux d’historien de l’instant qui suit au centre Pétion-Bolivar, avec un groupe de journalistes et d’étudiants, l’œuvre de ce réalisateur prolifique, je me demande est-ce que le professionnel du cinéma n’a pas réalisé ce film d’une heure et trente-quatre minutes pour fracasser notre banal quotidien et nous plonger du coup dans la légende et les prouesses héroïques de l’esclave des champs devenu empereur, monarque absolu sur la terre d’Haïti ?

De mémoire de cinéphile, je dois le reconnaître, je n’ai jamais vu un film documentaire sur Dessalines.

Antonin me met sur les traces du héros de l’indépendance : Marchand appelé aujourd’hui Dessalines, la première capitale de l’empire, les lieux qu’il a foulés : Crête à Pierrot, Vertières, le Haut du Cap, Cormier, Plaisance, Archaie, Port-au-Prince, Léogâne, Camp Gérard, la Plaine des Cayes.

« Jean-Jacques Dessalines, le vainqueur de Napoléon Bonaparte » remet en scelle un héros diabolisé et déifié à la fois en Haïti. Dessalines le téméraire, le guerrier au sang chaud, renait dans la lumière.

Les failles

Diabolisé. On lui a reproché d’avoir ordonné le massacre des Français. Dans cette guerre des fauves, on reconnaît sa main dans le massacre des femmes et des enfants qu’il était censé épargnés. Il les a éliminés.

On l’a maudit d’avoir été le massacreur des Nègres marrons, des Nègres bossales, le boucher des précurseurs aguerris qui menaient la lutte pour la liberté comme Charles et Sanite Bélair. On l’a exécré pour avoir fait le choix du maintien des grandes plantations dans une société postcoloniale où la terre cultivée pour soi-même symbolisait la liberté. Définitivement, aucun ancien esclave ne voulait travailler sous le joug d’un État dirigé par un chef suprême de l’armée, un monarque absolu dont la Constitution était envahie par son ego. On lui a reproché cette culture consistant à résoudre tout conflit dans le sang. « Après tout ce que je viens de faire dans le Sud, si les citoyens ne se soulèvent pas, c’est qu’ils ne sont pas des hommes. »

Dessalines n’était pas un politicien séducteur, un illusionniste capable de mettre des étoiles aux yeux de la foule ; il n’était pas non plus une voix pour apaiser les conflits qui rongeaient la société. N’ayant pas l’art de la dialectique, il ne lui restait que ses mains pour frapper fort. Ce n’est pas sans raison qu’ll disait :« Qu’importe le jugement de la postérité, pourvu que je sauve mon pays. »

Lire l’intégralité de l’article.