Alors qu’Haïti s’enfonce depuis plus d’un an dans la crise, le président Jovenel Moïse s’accroche au pouvoir avec le soutien des États-Unis. La diplomatie américaine pourrait toutefois évoluer sur ce dossier : son ambassadrice à l’ONU a été envoyée sur place, mercredi, pour rencontrer le président et les manifestants.

 

Une issue à la crise est-elle possible en Haïti ? Depuis plus d’un an, la rue réclame la démission du président Jovenel Moïse, élu en février 2017. La colère initiale contre les pénuries d’essence a évolué en ras-le-bol généralisé contre la hausse continue des prix et les scandales de corruption impliquant l’élite gouvernementale. Tous les secteurs de l’économie et des services publics sont bloqués depuis plus de deux mois, tandis que les manifestations tournent souvent à l’émeute.

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La mission de cette émissaire peut-elle déboucher sur quelque chose de concret ? Quel rôle peuvent jouer les États-Unis dans la crise haïtienne ?

En fait, tout dépend des États-Unis. Depuis 1915, tous les présidents haïtiens ont reçu l’aval des Américains et le maintien actuel de Jovenel Moïse au pouvoir ne tient qu’au soutien de Washington. Les États-Unis sont reconnaissants du vote du président haïtien, en janvier 2019, lors du sommet de l’Organisation des États américains (OEA), contre la reconnaissance de la légitimité du pouvoir de Nicolas Maduro au Venezuela. Par ailleurs, les États-Unis cherchent toujours à avoir accès à une partie du territoire haïtien, qui est richement doté en ressources minières, pour ses propres entreprises.

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Maintenant, Washington sait aussi faire preuve de pragmatisme. Un pays totalement bloqué, ce n’est pas bon pour le business. Un président dont le nom est cité dans des affaires de corruption, ce n’est pas bon non plus. La plupart des Haïtiens et des observateurs pensaient que Kelly Dawn Knight Craft viendrait avec une feuille de route pour assurer le maintien de Jovenel Moïse au pouvoir. Ça n’est visiblement pas le cas. Elle a déclaré être venue pour s’informer de la situation et écouter. Est-ce que les choses vont évoluer après sa visite ? Difficile à dire car le problème en Haïti, c’est qu’il n’y a plus d’institution "tampon" susceptible de prendre le relais : la société civile est trop faible, l’opposition n’est pas crédible car elle a exercé des fonctions du temps de Michel Martelly [2011-2016] et de René Préval [2006-2011]. Ce sont d’anciennes figures de l’establishment qui sont aussi responsables de la situation actuelle.

Donc au sein de la communauté internationale, il y a des inquiétudes sur l’après car on ne voit pas qui mettre à la place. Aucun nouveau visage n’a réellement émergé depuis le début de la contestation.

 

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En attendant, Haïti s’enfonce chaque jour un peu plus dans la crise…

Oui car les manifestants continueront de descendre dans la rue tant que Jovenel Moïse continuera de s’accrocher au pouvoir. Aujourd’hui, le pays est paralysé : les manifestants coupent les routes et empêchent les gens de circuler. Il y a une tension latente, tout est fermé, les activités commerciales sont au point mort et les gangs sèment la terreur.

Jovenel Moïse s’accroche au pouvoir grâce à l’appareil répressif et administratif, mais c’est un président qui dispose finalement de très peu de soutiens. Il n’a jamais été en mesure d’organiser la moindre contre-manifestation et même son parti, le Parti haïtien Tèt Kale (PHTK), se montre timide à son endroit. Lui-même ne semble pas vraiment croire au dialogue avec ses opposants : lorsque son ancien Premier ministre Jean-Henry Céant a tenté de discuter avec les manifestants en 2018, il a tout fait pour saboter ses démarches et l’éjecter. C’est un président qui n’est pas à la hauteur des enjeux.

 

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