Créée en 1870, la bibliothèque haïtienne des Pères du Saint-Esprit a été endommagée par le séisme de 2010. « Heureusement qu’aucun document important n’a été perdu », se réjouit Patrick Tardieu, le gestionnaire de la bibliothèque qui dispose des documents rares ou uniques sur la période coloniale. L’institution, qui va changer de nom pour devenir la bibliothèque haïtienne des Spiritains, décide de tourner la page du séisme. Elle va rouvrir ses portes le 12 février en cours. « Environ 25% de la collection de la bibliothèque vont être ouverts au public à partir de cette date », informe M. Tardieu sans annoncer de date pour que toute la collection soit disponible pour consultation.

Entre-temps, la bibliothèque cherche à se mettre au pas avec la technologie. 160 à 250 documents rares ou uniques de la bibliothèque sont en train d’être numérisés grâce à un financement de recherche de cinq mille dollars américains de l’Omohundro Institute (OI). « Les documents pris en compte dans le cadre de ce projet couvrent la période coloniale jusqu’à 1814 », informe Patrick Tardieu.

Trois raisons, d’après M. Tardieu, expliquent ce choix. « Premièrement, cette date marque les 50 premières années de l’imprimerie en Haïti, a fait savoir Patrick Tardieu. Deuxièmement, 1814 marque la fin de deux imprimeurs. Il s’agit de Pierre Roux (au Cap-Haïtien) et Lemery (aux Cayes). Ils ont fait des choses que peu de gens savent. C’est Pierre Roux qui a imprimé l’acte de l’indépendance. Il a aussi imprimé pour Toussaint Louverture, Christophe, Rochambeau, etc. Troisièmement, c’est au cours de cette période que Simon Bolivar arriva en Haïti. On raconte que Pétion a fait cadeau une presse à Bolivar. Il semblerait que c’était celle de Lemery. Cela reste à confirmer. »

Les professeurs Julia Gaffield de l’université d’État de Géorgie (Georgia State University) et Jennifer Palmer de l’université de Géorgie (University of Georgia) avaient accompagné la bibliothèque haïtienne des Pères du Saint-Esprit dans les démarches pour obtenir la bourse. La BHPSE, soulignent les deux professeurs, contient des documents uniques imprimés à Saint-Domingue / Haïti au XVIIIe et au début du XIXe siècle. « La subvention de recherche OIEAHC Lapidus pour les collections numérisées protégera et aidera à diffuser l’extraordinaire collection de documents de la BHPSE imprimés au cours de la période coloniale, révolutionnaire, et les premières années de l’indépendance », ont indiqué les deux universitaires au Nouvelliste. 

Une information confirmée par Patrick Tardieu. Il a précisé que parmi les documents à numériser, il y a les premiers livres imprimés à Saint-Domingue en 1764, les 19 lois de Toussaint Louverture, le manifeste de Rigaud contre Toussaint, le manifeste de Toussaint contre Rigaud, etc.

Les professeurs Gaffield et Palmer ont, par ailleurs, affirmé que leurs recherches dans les archives en France, aux États-Unis et ailleurs ont mis en évidence l’extrême rareté des documents imprimés à Saint-Domingue / Haïti au cours de cette période. « Ce projet veillera que ces documents soient conservés et préservés pour les chercheurs et enseignants en Haïti et dans le reste du monde », ont-elles déclaré.

Les documents une fois numérisés seront librement disponibles au grand public sur le site de Gallica sous l’initiative du Réseau francophone numérique (RFN). « Nous espérons que les enseignants et les professeurs d’Haïti et d’ailleurs pourront les utiliser dans leurs cours et dans leurs recherches, ont indiqué les deux chercheurs. Nous espérons également que l’accès à ces documents encouragera davantage de personnes hors d’Haïti à en apprendre plus sur l’histoire haïtienne. »

 Après la numérisation des documents rares ou uniques de la bibliothèque couvrant la période coloniale jusqu’en 1814, Patrick Tardieu entend poursuivre l’aventure. « On compte numériser les ouvrages sur Haïti produits pendant le XIXe siècle, des revues scientifiques et littéraires publiées jusqu’en 1950 et d’autres documents importants. Patrick Tardieu dit espérer que des institutions haïtiennes vont rejoindre la BHPSE. Il a par ailleurs remercié les institutions qui ont déjà promis leur contribution à la bibliothèque.