L’humanitaire est une nouvelle fois « la réponse » de l’international à la crise haïtienne. Une stratégie de pourrissement qui témoigne avant tout de la complicité avec le régime en place et contourne l’exaspération sociale des habitants.
L’écran humanitaire
Sous le regard humanitaire, les choses vont enfin reprendre leur place, et l’ordre – fût-il illusoire – revenir. Les Haïtiens – les femmes et les enfants d’abord –, seront les victimes, passives et impuissantes, de la corruption endémique des pays du Sud, sinon de la fatalité. Nous, en venant une nouvelle fois en aide envers ces malheureux, nous reprendrons notre tâche héroïque et habituelle de sauver des vies. Le rapport du sauveur « blanc » et de la victime « noire » viendra confirmer l’évidence de cette division du travail. Voilà qui dessine une situation déjà vue, simple et efficace, directement compréhensible.
Soit tout le contraire du soulèvement actuel. Les Haïtiens et Haïtiennes sont descendus dans la rue pour lutter contre la corruption et les inégalités, réclamer justice et changement. Cela demande un triple effort de compréhension. D’abord se départir du regard néocolonial, qui fait du peuple haïtien une masse amorphe et impuissante. La bataille de Vertières en 1803 n’a jamais existé. Ensuite, être à la hauteur de ces voix et revendications qui demandent d’être entendues, et portent une vision politique. Enfin, le plus difficile peut-être : se remettre en cause. Car, au-delà de leur Président et de leur classe dirigeante, les manifestants haïtiens visent un système, que les institutions internationales et les pays occidentaux ont contribué à mettre en place, et que, face à la menace du « chaos », ils soutiennent.