Alors qu’Haïti a de nouveau connu plusieurs journées insurrectionnelles, le président Jovenel Moïse s’accroche au pouvoir, semblant bénéficier du soutien des pays occidentaux. De la sorte, ces derniers hypothèquent toute chance de résolution de la crise en cours.
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Complicités occidentales
Aux côtés des jeunes Petrochallengers, les Églises, les organisations vaudou, les artistes, les syndicats, les mouvements de paysans et de femmes, une partie importante du secteur privé… rarement on aura vu une telle unanimité dans la contestation. Et tous de s’accorder sur trois points (même s’ils les envisagent selon des temps et sous des formes différentes) : la démission du président, la tenue d’un procès sur les détournements de fonds de Petrocaribe, et un gouvernement de transition. Certes, à lui seul, le départ de Jovenel Moïse ne résout rien. Mais il constitue le marqueur d’un refus et d’une fin, la condition première aussi d’un nouveau commencement possible.
Force est alors de constater le fossé qui sépare le peuple haïtien des gouvernements occidentaux. Ces derniers n’ont en effet de cesse d’en appeler au dialogue. Le 15 octobre encore, la représentante française au Conseil de sécurité des Nations unies affirmait qu’il était de « la responsabilité du président Jovenel Moïse d’engager un dialogue inclusif et véritable ». Ce faisant, c’est sur le peuple haïtien, et non sur l’État, que la pression est mise. D’ailleurs, vu d’Haïti, cela s’apparente à de l’ingérence, tant le maintien au pouvoir d’un président discrédité et impopulaire ne peut s’expliquer que par le soutien, implicite ou explicite, de l’international.
Comment expliquer l’attitude des États-Unis et de l’Union européenne (UE) ? Les enjeux géopolitiques, la peur du chaos et, pire encore, celle de la révolution, l’attachement aux formes démocratiques – dont au premier chef, les élections –, la double solidarité de classe – avec l’élite et avec les gouvernants –, le biais idéologique, qui donne la priorité à la stabilité macroéconomique sur les remous imprévisibles du démos… tous ces facteurs jouent à des degrés variables. Mauvais calcul et solutions illusoires.
Le respect des formes démocratiques ? Cela fait des mois qu’il n’y a plus de gouvernement en Haïti, et les élections législatives d’octobre ont été reportées. D’ailleurs, on se montre autrement plus « souple » lorsqu’il s’agit du Venezuela. Le renforcement du parlement, du système judiciaire et des finances publiques ? C’est ce que prétend faire l’UE depuis des années, avec les résultats que l’on sait. Prétendre sans le peuple haïtien, voire contre lui, renforcer les institutions les plus gangrénées par la corruption pour lutter contre la corruption est une étrange stratégie.