Commémoration de la journée internationale du souvenir de la traite négrière et de son abolition :
Réflexions sur la traite de personnes hier et aujourd’hui
Note de presse du GARR, 25 août 2007

A l’initiative du GARR, une conférence débat s’est tenue le 23 août 2007, à l’occasion de la journée internationale du souvenir de la traite négrière et de son abolition autour du thème, « La Traite de Personnes, Hier et Aujourd’hui ».. Cette activité avait pour objectif de sensibiliser la population haïtienne sur le rôle qu’a joué Haïti dans la lutte contre l’esclavage et également attirer son attention sur les formes d’esclavage contemporain, notamment celles qui touchent des ressortissants haïtiens en République Dominicaine et de nombreux enfants à travers Haïti.

L’instauration de cette Journée à l’échelle internationale, les dures réalités de la traite négrière, la résistance inlassable des captifs africains, ainsi que les formes contemporaines de l’esclavage, sont autant de thèmes qui ont suscité la réflexion en la circonstance. Au panel tenu au local du Sant Pont Ayiti, avaient participé le professeur Jean Coulanges, secrétaire permanent, en Haïti de la Commission Nationale de l’UNESCO (Organisation des Nations Unies pour l’Education, la Science et la Culture), Mme. Myrtha Gilbert, chercheure et professeure à l’Université et l’économiste Camille Chalmers, Secrétaire Exécutif de la Plateforme de Plaidoyer pour un Développement Alternatif (PAPDA).

Le professeur Jean Coulanges, a signalé qu’Haïti est l’un des premiers pays ayant lutté pour une commémoration internationale de cette date hautement symbolique. En effet, « c’est de l’enfer colonial saint-dominguois qu’est lancé, le 23 août 1791, le cri de révolte générale des esclaves qui devait ouvrir la voie vers la fin d’un système déshumanisant en Haïti et un processus irréversible d’abolitions de la traite, à travers le monde. Il est regrettable que l’Etat haïtien, jusqu’ici, n’ait pas daigné accorder une attention particulière à cette date historique », a déploré le secrétaire permanent de la Commission nationale de l’Unesco. Jean Coulanges a encouragé l’initiative du GARR de vouloir commémorer cette date et plaidé pour l’éducation de la population haïtienne qui a tendance à oublier son histoire.

La chercheure Myrtha Gilbert, de son coté, a présenté les origines de la traite négrière et les différentes péripéties vécues par les captifs africains au cours de la longue traversée vers l’Amérique à bord des bateaux négriers. Elle a souligné le processus de prise de conscience des esclaves dès 1503 jusqu’à leur révolte mémorable du 23 août 1791, en passant par des dates charnières, notamment, la révolte de Padre Jean en 1679 et de Jeannot Marin et Pierrot en 1691. Au terme de son exposé, elle a insisté sur la nécessité de briser les chaînes invisibles mais si lourdes de l’esclavage mental.

Le Secrétaire Exécutif de la PAPDA, Camille Chalmers a relevé, pour sa part, que la migration forcée constitue une nouvelle forme d’esclavage, plus aigüe qu’au temps de la traite négrière. «De 1995 à 2005, 30 millions d’asiatiques ont été victimes de migration forcée, l’un des commerces les plus lucratifs de nos jours, alors que les Européens ont mis quatre siècles pour faire venir 12 millions d’Africains en Amérique », a souligné Chalmers.

Il a en outre fait référence au système d’exploitation capitaliste dominant qui ramène tout, y compris les humains, à une marchandise. « Cette tendance à la marchandisation engendre la financiérisation dont l’objectif premier est le maximum de profits dans un temps record ; ce qui favorise le développement de l’économie criminelle tels le trafic d’organes, le trafic sexuel, la contrefaçon des marchandises et les zones franches » a-t-il expliqué.

Dans ses propos d’introduction au panel, la coordonnatrice du GARR, Colette Lespinasse, a rappelé certaines survivances de l’esclavage et de la traite de personnes sur l’île : en Haïti à travers le système « Restavèk » (enfants en domesticité) ; et en République Dominicaine, avec l’exploitation à outrance de braceros haïtiens, souvent victimes d’un trafic de personnes encouragé par divers secteurs dont des patrons d’usines dominicaines qui contraignent cette main-d’œuvre sans défense à un horaire de travail de plus de 15 heures par jour, sans droits, voire sans possibilité réelle de déplacements.

Selon la coordonnatrice du GARR, la société haïtienne, dans toutes ces composantes, doit s’inspirer de cette date symbolique du 23 août pour mener un combat sans complaisance contre ces nouvelles formes d’esclavage et restituer ainsi à chaque Haïtien, Haïtienne cette dignité humaine si chère aux esclaves qui s’étaient soulevé le 23 aout 1791 au nom de la liberté et les Droits Humains. Elle en a profité pour annoncer pour bientôt en Haïti l’exposition de photos « Esclaves au Paradis » qui met en relief la dure réalité des coupeurs de canne haïtiens en République Dominicaine. (Fin de texte)

Lisane André

Responsable Communication et Plaidoyer