Depuis le déploiement, le 27 septembre 2007, d’une nouvelle force militaire spécialisée à la frontière haitiano-dominicaine, de nouvelles exigences sont faites à l’endroit des riverains des deux cotés de la frontière, contrairement aux habitudes de bon voisinage qui s’étaient installées depuis de nombreuses années. A Anses-à-Pitres/Pedernales, désormais pour chaque traversée, la « cedula » (pièce d’identité dominicaine) est réclamée aux ressortissants-es dominicains, tandis que les citoyens et citoyennes haïtiens doivent se munir d’un passeport avec un visa ou un permis émis par l’immigration dominicaine. Aucune exception n’est accordée, même pas pour les autorités locales qui ont été pris de court par ces nouvelles mesures.

Le dimanche 30 septembre 2007, le maire de Anses-à-Pitres qui a voulu s’enquérir auprès de son homologue de Pedernales de telles dispositions a dû présenter passeport et visa, tandis que l’inspecteur de Police qui l’accompagnait n’a pas été autorisé à fouler le territoire dominicain parce qu’il ne disposait pas de tels documents. En effet, sans les documents susmentionnés, aucune traversée n’est possible même pas pour les malades et les femmes enceintes. Les jours de marchés, le va-et-vient des commerçants et acheteurs est encore permis sans exigence de ces documents mais sous haute surveillance et fouille systématique.

Ces nouvelles mesures ont des conséquences sur les activités quotidiennes des riverains de l’aire frontalière dont la survie dépend en grande partie des échanges qui se font tous les jours entre les deux peuples. En raison de l’absence de structures étatiques et d’infrastructures de base dans les communes frontalières, la situation se révèle beaucoup plus compliquée pour les riverains haïtiens. Livrés à eux-mêmes, ils/elles ont pris l’habitude de se tourner vers les localités dominicaines voisines pour leur moindre besoin, notamment les services sociaux de base.

Si le déploiement, du côté frontalier dominicain, d’un corps spécialisé peut contribuer à la diminution des trafics illégaux, notamment le trafic d’êtres humains, les exigences imposées aux riverains ne prennent nullement en compte la longue tradition d’échanges existant entre des communautés très proches. Les citoyens dominicains et surtout haïtiens qui fréquentent la frontière au quotidien et en grand nombre les jours de marchés binationaux sont donc durement pénalisés.

Le GARR espère que cette situation interpelle et encourage les autorités haïtiennes à une gestion effective et responsable de la frontière. Il ose croire que le gouvernement Préval/Alexis se rendra compte de l’urgente nécessité de s’engager résolument dans des programmes qui favorisent une amélioration des conditions de vie de la population de la région frontalière estimée à plus de 500 000 personnes, en lui permettant d’avoir accès aux biens et services de base dont elle a besoin pour exister.

Enfin, le GARR espère que la présence de cette nouvelle force militaire ne vienne renforcer les pratiques d’injustices et de racket qui ont fait de la frontière une zone de non-droit mais contribue plutôt à y faire régner la paix et le respect mutuel.

Il appelle à un dialogue constructif entre les deux gouvernements de l’île, en vue de l’établissement d’un document ayant valeur de laissez-passer pour les riverains de la frontière afin de garantir la permanence des échanges et le maintien d’un climat de convivialité et de respect mutuel dans cet espace commun aux deux peuples.