François Hollande reconnaît la « dette morale » de la France

Paru dans Le Monde le 13 mai 2015



Mardi 12 mai, à Port-au-Prince, des manifestant réclament à François Hollande la restitution d’une dette payée par Haïti à la France lors de son indépendance.

Jean-Claude Coutausse / french-politics pour Le Monde
 


Il n’a pas évoqué le sujet sensible des réparations. François Hollande s’est arrêté mardi 12 mai en Haïti, dernière étape de sa tournée marathon aux Caraïbes qui l’a vu visiter six îles en quatre jours. En prenant bien soin de ne pas rééditer la bévue commise quarante-huit heures plus tôt en Guadeloupe, dans son discours d’inauguration du Mémorial ACTe, le centre dédié à l’histoire de l’esclavage et de la traite.

A Pointe-à-Pitre, évoquant l’indemnisation à hauteur de 150 millions de francs or exigée par la monarchie française à la jeune République haïtienne en 1825, en échange de la reconnaissance de son indépendance et afin de dédommager les propriétaires d’esclaves devenus libres, le chef de l’Etat avait évoqué une « dette que certains ont appelée rançon d’indépendance et qui, à n’en pas douter, compromit l’avenir du pays ». « Quand je viendrai à Haïti, j’acquitterai à mon tour la dette que nous avons », avait-il ajouté. Une formulation qui avait suscité nombre de faux espoirs dans le pays, alors que le président n’entendait parler que d’une « dette morale ».

« Argent oui, morale non »

A Port-au-Prince, s’il a trébuché en montant à la tribune, M. Hollande n’est donc pas sorti des chemins balisés, afin de s’éviter ce qui localement avait été perçu comme une gaffe d’envergure. Après avoir déposé une gerbe au pied de la statue de Toussaint Louverture, meneur de la révolution haïtienne qui aboutit à l’indépendance de 1804, il s’est exprimé devant un public trié sur le volet, sur la place du Champ-de-Mars fermée à la population. Un peu plus loin, plusieurs groupes de manifestants, soigneusement tenus à l’écart, réclamaient à grands cris « restitution » et « réparations », ou encore affichaient une pancarte indiquant leurs exigences : « Argent oui, morale non ».

« Aucun marchandage, aucune compensation ne peut retaper les accrocs de l’Histoire qui nous marquent encore aujourd’hui », a d’emblée précisé le président haïtien, Michel Martelly, qui a pourtant évoqué « la dette, la dette ignominieuse, la dette destructrice. Sous prétexte de dédommager les colons, cette dette avait pour objectif inavoué de casser l’élan de ce nouvel Etat dirigé par d’anciens esclaves dans un monde dominé par le colonialisme », a posé M. Martelly, qui a salué cette première visite officielle d’un président français – Nicolas Sarkozy s’était rendu sur place pour une rapide visite après le séisme de janvier 2010, qui avait fait 230 000 morts – comme « les retrouvailles entre deux peuples après une longue période de déni entre les populations, marquée par des sous-entendus et des malentendus ».

« Plan Marshall pour l’éducation »

C’est sur le plan éducatif que le chef de l’Etat haïtien a exhorté la France à « se joindre à la réparation de cette grande injustice faite à la jeunesse haïtienne » et « à mettre en œuvre un véritable plan Marshall pour l’éducation en Haïti » en matière d’universités, de grandes écoles et de filières technologiques. Message parfaitement reçu par François Hollande. « On ne peut changer l’Histoire, mais on peut changer l’avenir », a déclaré le président français, qui a annoncé des mesures de formation des enseignants haïtiens, « davantage de missions » sur place menées par des enseignants français et l’augmentation du nombre d’étudiants haïtiens boursiers qui suivront leurs études en France.

Sans apporter davantage de précisions, M. Hollande s’est engagé à faire « tout pour que vos écoles, vos lycées, vos universités puissent être accompagnées par la France » et à « introduire toutes les nouvelles technologies dans vos établissements », ainsi qu’à « la construction d’un institut français ». Et le président de conclure : « Pitit haiti toujour venyen » (« Les jeunes haïtiens sont toujours vaillants »). Autant d’annonces éducatives d’un montant d’à peu près 50 millions d’euros sur plusieurs années, précisait après coup le chef de l’Etat, façon d’effacer son impair.

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