Aujourd’hui, s’il est évident que Jovenel Moïse doit démissionner et faire face à la justice, cette exigence ne doit pas uniquement se limiter à une question de corruption. Certes, Moise doit être inculpé, ainsi que ses acolytes, pour détournements de fonds du programme PetroCaribe, peut-être le plus grand scandale financier de notre histoire. Mais il doit aussi répondre aux crimes et massacres commis sous sa présidence. C’est un point essentiel qu’il convient de ne pas oublier.
Il est important de comprendre que la lutte pour renverser Moise, c’est aussi une lutte pour démanteler, une fois pour toutes, le régime Tèt Kale, au pouvoir depuis 2011.
Ce régime est le nouveau visage du duvaliérisme, sa version contemporaine qui reprend les mêmes tactiques de François et de Jean-Claude Duvalier : dilapidation des fonds publics, assassinats et massacres.
C’est un régime qui nous a été imposé par l’oligarchie et l’impérialisme pour défendre leurs intérêts. Avec Moïse ou pas, avec Martelly ou pas, ce régime veut et peut continuer à régner.
C’est pourquoi la vigilance est de mise. Évitons de réduire la lutte uniquement à la démission de l’individu Jovenel Moïse.
Il faut comprendre aussi que la lutte contre le duvaliérisme n’est pas terminée. 1986 représente le renversement de la dictature des Duvalier et non pas la destruction du duvaliérisme.
L’État duvaliérien, qui s’est construit au cours des années 1960 et 1970, a profondément transformé les institutions. Ces dernières ont été domestiquées et ont fonctionné au service du régime. C’est cet héritage que le régime Tèt Kale, de par sa pratique, se revendique.
Au cours de la dictature des Duvalier, les institutions de l’État étaient un moyen d’enrichir la famille du président et celles de ses acolytes.
C’est la même logique qui prévaut pour le Parti Tèt Kale.
Sous Duvalier, une terreur ouverte, entretenue par les macoutes, écrasait toutes formes de revendications.
Cette tendance, on la voit de plus en plus à l’œuvre avec le régime Tèt Kale.
Duvalier créait des réseaux de corruption, de dépravation, expropriait des milliers de paysans et de citoyens.
Le pouvoir Tèt Kale entretient et reproduit des réseaux de corruption, de dépravation, exproprie les paysans, écrase les revendications sociales, etc. Les exemples sont multiples.
Toutefois, au-delà même du pouvoir des Duvalier et de celui du Parti haïtien tèt kale (Phtk), il est nécessaire d’appréhender la nature de l’État haïtien.
Pourquoi, historiquement, cet État, depuis en particulier la « dette de l’indépendance », a toujours fonctionné à l’encontre des intérêts de la nation ? Pourquoi se soumet-il aux diktats de puissances étrangères qui n’ont aucune considération pour le peuple haïtien ?
De même, il serait intéressant de comprendre comment se sont développées nos classes dominantes depuis l’indépendance. Pourquoi ces classes n’ont jamais élaboré et institué l’idée d’une nation prospère et inclusive ?
Ces questions ont fait l’objet d’études intéressantes. Néanmoins, ce qui nous parait clair, maintenant plus que jamais, c’est que l’État haïtien est dans les faits un État néocolonial.
Un État qui, particulièrement depuis l’occupation étasunienne de 1915-1934, s’est transformé graduellement et de plus en plus en un État au service de l’Empire.
Un État qui a perdu tout au long du 20e siècle sa souveraineté économique et politique.
Un État qui, malgré ses différentes formes, est resté, pendant toute cette période, essentiellement antinational.
Avec l’imposition du régime néo-duvaliériste Tèt Kale par les puissances impérialistes, l’État néocolonial connait un nouveau développement. Sans le moindre retenu, ce régime poursuit la politique de pillage des fonds publics pendant qu’il renforce les mécanismes d’exploitation des masses populaires par la bourgeoisie sous-traitante.
Plus de 4,2 milliards des fonds PetroCaribe sont spoliés alors que les classes populaires croupissent dans le plus grand dénuement. Des rapports de l’Organisation des nations unies (Onu) font état de 6 millions d’Haïtiens en situation de malnutrition. Les employés de services publics, dont des professeurs, des médecins etc., ne reçoivent pas leur salaire depuis plusieurs mois.
De surcroit, l’inflation ininterrompue atteint le niveau record de 17.7%, alors que le régime néo-duvaliériste Tèt Kale s’oppose, avec la plus grande arrogance, à tout ajustement des salaires des ouvriers, vivant dans la misère la plus abjecte.
Soulignons aussi que cette situation socioéconomique délétère s’articule à une dégradation environnementale sans précédent. La couverture forestière est à moins de 2%, alors qu’aucune politique environnementale n’est définie.
Dans un paysage complètement dénudé, les paysans sont livrés à eux-mêmes face aux cyclones qui deviennent de plus en plus violentes. La moindre pluie entraine l’inondation des villes, des coulées de boues et de déchets. Généralement, les habitants des quartiers populaires sont toujours les uniques victimes.
Cliquez ICI pour lire l’article en entier