Hispaniola, une île pour deux !

Un focus nécessaire, indispensable et précieux sur les relations Haïti/ République dominicaine dans la série Grande traversée sur France Culture semaine du 9 au 13 août 2010 de 9h00 à 12h30 (heure de Paris). Débats contradictoires, reportages de terrain réalisés en mai 2010 + archives, portraits rythment ces trois heures et demi d'écoute passionnante proposée par Alexandre Héraud / Réalisation, Gilles Mardirossian - Ces émissions sont réécoutables et podcastables sur le site de France Culture

Podcaster ou écouter en ligne

 

I°/ Première JOURNEE: Lundi 9 août « Comment naissent deux nations dans un même berceau ? »

1/ Archives : « Une chronologie des premiers temps - de la découverte à l’indépendance : 1492-1804 »
Avec les voix de Albert Mangones, architecte ; Roger Gaillard, journaliste ; Pierre Chaunu, historien.

2/ Débat : « La formation des identités nationales ». 1804/1916
(table ronde enregistrée le jeudi 14 avril 2010 en Haïti depuis les locaux de la fondation FOKAL (fondation connaissance et liberté)

Si Haïti est le premier pays au monde issu de l’abolition de l’esclavage, la République Dominicaine n’a pas connu le même chemin. La question de la sortie différenciée de l’esclavage dans les deux parties de l’île, et donc de l’accession à leur indépendance, permet de comprendre comment se sont formées les deux identités nationales: l’une contre l’autre, l’Hispanité contre l’Africanité, l’Espagnol contre le Français, les mulâtres contre les noirs, le colon contre l’affranchi… Une identité qui reste fondamentalement posée en terme de race donc mais qui s’est également construite par la mise en discours des fait d’armes de la révolution anti-esclavagiste …
C’est durant cette période qui se situe entre deux épisodes majeurs de l’histoire des deux pays (la proclamation de l’indépendance d’Haïti en 1804 et le double débarquement américain – 1915 en Haïti et 1916 en République dominicaine) que furent jetés les fondements des deux nations.

Avec : Jean-Marie Théodat, géographe, actuel directeur de la mission de l’Agence universitaire de la francophonie (AUF) en Haïti ; auteur de l'ouvrage « Haïti une île pour deux -1804-1916 », Karthala
Michèle Pierre-Louis , ex-Premier ministre sous la présidence Préval, destituée par le Sénat en 2009, fondatrice du réseau FOKAL (fondation connaissance et liberté).
Michele Oriol, anthropologue.

3/ Documentaire « Un road movie de Punta Cana (extrême Est de la Republique dominicaine) aux Abricots (pointe ouest de la péninsule de Grand’Anse en haïti) »

Un complexe touristique en République à Punta Cana est le point de départ de cet itinéraire qui se terminera à 12 h de route de Port-au-Prince, avec la rencontre de la population du petit village « Les abricots » situé à l’extrême Sud-Ouest d’Haïti dans le département de Grand’Anse, aujourd’hui envahie par l’afflux des réfugiés. Cette commune nous ouvrira les portes du monde paysan et cela au moment ou la question de la réorganisation de l’agriculture est une des priorités de la reconstruction du pays.

4/ Portrait : Jean-Claude Fignolé
Jean-Claude Fignolé est une figure majeure de la littérature contemporaine haïtienne, originaire des Abricots. Il est depuis trois ans, maire d’une commune de 1108 habitants … (avant le jour noir). Certains regrettent encore qu’il ait refusé, à la chute de Baby Doc de se présenter à la présidence de la république…

II° JOURNEE / Mardi 10 août : « Les sœurs ennemies ? »

1/ Archives : « Les Braceros »
Une petite histoire des relations dominicano-haïtiennes illustrée par l’exemple des Braceros, les travailleurs saisonniers haïtiens, coupeurs de canne à sucre en terre dominicaine.

Avec la rediffusion partielle des Nuits Magnétiques, « Un naïf aux Caraïbes » (1994) et de « Sang sucre et sueur » Sur les docks (2007)

2/ Débat : « Les Relations Bilatérales. Le baiser de Judas ? »

Les relations entre Haïti et la République dominicaine sont une question clé pour l’avenir de l’île . Nous évoquerons quelles sont les passerelles entre les deux républiques « sœurs ennemies » et le rôle de la commission bilatérale haïtiano-dominicaine chargée de gérer le contentieux entre Haïti et la République dominicaine. Quid de la place aujourd’hui de la République dominicaine dans le devenir d’Haïti ? Le 20 mars dernier le président de la République dominicaine, Léonel Fernandez annonçait la proposition symbolique de son pays de construire en Haïti (Limonade, à quelques kilomètres de Cap Haïtien) une université pouvant accueillir 10 000 étudiants et ceci au moment ou certains observateurs sceptiques parlaient de « baiser de Judas » pour qualifier le soudain intérêt et la très visible solidarité que les Dominicains portent aujourd’hui à leur voisin endeuillé. Or de l’avis de tous les observateurs l’incroyable élan de solidarité manifesté par la République dominicaine est remarquable.

Avec :
S.E Laura Faxas, ambassadeur de la République dominicaine en France
Edwin Paraison, ministre des Haïtiens vivants à l’extérieur
Dr Fritz Pierre, vétérinaire à Maison-Alfort, (France)

3/ Reportage : « Dajabon, une frontière pour deux.»

Reportage le long de la frontière dominicano-haïtienne dans les villages frontaliers de Jimani (centre) et Dajabon (Nord), lieux de tous les trafics. (avec la collaboration du GARR (Groupe d’appui aux rapatriés et réfugiés) et de Soliraridad Frontaleza)

Il s’agit là de saisir l’incroyable perméabilité de ces 360 km de frontières empruntées quotidiennement par les milliers d’Haïtiens et d’observer ce que représente ce cordon ombilical. Observer et étudier ces mouvements frontaliers qui n’incluent pas que le passage de l’aide humanitaire après le 12-janvier !
La gestion de la frontière est l’un des dossiers prioritaires des relations haïtiano-dominicaines. Les différents points frontaliers sont fréquentés par les riverains, les malades, les ouvriers agricoles journaliers, les petits et grands commerçants, les milliers d’acheteurs des marchés hebdomadaires binationaux venus des quatre coins d’Haïti, sans oublier les religieux, les élèves et professeur. Tout un kaléidoscope de la société haïtienne présente en Dominikani… Voici pour la partie (très) apparente ! Reste à prendre en compte l’évocation plutôt que la représentation quasiment impossible de toute la partie « souterraine » contenue dans cette zone militarisée : les trafics illicites. Main d’œuvre clandestine et marchandises interdites.

Avec : Ruben Silié, ambassadeur de la République dominicaine en Haïti
M. Jean-Baptiste Bienaimé, consul d’Haiti à Dajabon,
Sonia Mateo, maire de Dajabon (PLD)
et la collaboration de Soliraridad Frontaleza.

4°/ Portrait : Le père Regino Martinez Breton, jésuite militant pour le rapprochement des deux peuples ( Dajabon, République dominicaine)


III° JOURNEE / Mercredi 11 août « Démocratie : un si long chemin… »

1/ Archives :
« Le temps des dictatures (Trujillo/Duvalier) »

Montage d’archives autour des épisodes sanglants des règnes sans partage du « benefactor» Rafael Leonidas Trujillo (1930/1961) et des Duvalier, père et fils (1957/1986) .
Extraits de deux Nuits Magnétiques, 1983 « Nuits Dominicaine » ; 1999 « A la recherche de Baby Doc ».

2/ Débat :« Un rêve de démocratie , Haïti/ Rep Dom. »
(Table ronde enregistrée le 5 juillet 2010 à Paris au studio 118)

Nous étudierons les permanences du Duvaliérisme en Haïti , (ce que Leslie Pean nomme « l’Etat Macoute ») et l’héritage encore pesant en République dominicaine du Trujillisme.
Au centre de ce débat, c’est bien évidemment de la formation de l’Etat dont il est question. Depuis la chute de la dictature de Duvalier en 1986, l’État haïtien est en butte à de graves difficultés, tant pour satisfaire les multiples revendications en provenance de toutes les couches sociales, que pour garantir sa souveraineté et exercer ses fonctions régaliennes, dont en particulier celle de la sécurité des vies et des biens. A contrario, la République dominicaine, est considérée comme une démocratie parlementaire aboutie. Un quart de siècle après la mort du dictateur Trujillo qui présentait de manière quasi pédagogique tous les traits d’un régime dictatorial, l’Etat dominicain peut être aujourd’hui considéré comme un des premiers exemples de transition démocratique dans la zone latino-américaine.

Avec (entre autres) :
Jean Metellus, écrivain, poète.
Christophe Wargny, historien, ancien conseiller d’Aristide.
Enrique Caminero, vice-consul de la République dominicaine à Paris
Amin Perez, doctorant dominicain.
Gabriel Montero Santana, lieutenant colonel à la retraite. Vétéran des troupes constitutionalistes caamanistes (Avril 1965)

3/ Grand reportage : La Barrick Gold : L’or, l’or encore !

Nous étions sur place en République dominicaine lors de la campagne électorale pour les législatives, que l’on nomme souvent le « carnaval électoral ». L’un des thèmes agités par les partis d’opposition dont le Parti révolutionnaire dominicain (PRD) le principal rival du parti présidentiel (PLD) pour dénoncer le clientélisme et la corruption endémique dans le pays était celui de l’implantation de la plus importante compagnie minière mondiale, la multinationale Barrick Gold à quelques 80 kilomètres au Nord de la capitale Santo Domingo. Le site de Pueblo Viejo fut pour la premiere fois exploité par les Espagnols au tout début de la conquête. Cette quête de l’or qui avait guidé les pas de l’amiral explorateur est aujourd’hui une allégorie que l’on peut continuer à filer pour brosser une photographie des mœurs politiques de cette République dominicaine, terre de tous les contrastes, sous fond de scandale écologique.

Avec : Frank Moya Pons, historien
Fernando Sanchez Albavera, directeur exécutif de la Barrick Gold
Mrg Fabio M. Rivas Santos
Hugo Tolentino, député PRD, ancien chancelier
Jean-Michel Caroit, correspondant du journal « Le Monde »
Pedro Catrain, président du parti « Dominicanos por el cambio »…

4/ Portrait : Dr Vicente Antonio Luna Nenez, avocat, médecin et poète à Cotui (Pueblo Viejo)


IV° JOURNEE / Jeudi 12 août : Les religions! Puisqu’il ne leur reste que les dieux !

1/ Archives : « Le Vodou »

Evocation du syncrétisme religieux en Haïti et approche historique de ce paganisme qui intéressa nombre d’historiens et d’ethnologues (notamment Alfred Métraux).
Rediffusion partielle de « La matinée des autres » « Papa Legba : christianisme et paganisme
en Haïti » 20/03/1979. Documentaire consacré aux pratiques vodous en Haïti : origine, histoire, fonctions. Succession d'entretiens avec des spécialistes illustrés en images sonores en particulier, des cérémonies vodous.

2/ Débat : « Religion et lien social. »
(Table ronde enregistrée le mercredi 14 avril à la Fokal à Port au Prince)

Quel rôle l’Église catholique remplit-elle dans la construction et dans l’évolution ultérieure de cet État qui émerge après la lutte pour l’Indépendance menée par les esclaves insurgés de Saint-Domingue de 1791 à 1804 ? Quelles transformations l’Église va-t-elle connaître dans le contexte de luttes à rebondissements pour la démocratie depuis 1986 ? Il sera question de faire la lumière la fonction des religions en compétition en Haïti depuis la Conquête et la période esclavagiste (catholicisme, protestantisme, vodou) dans la constitution du lien social. Nous avons en tête que c’est en Haïti où la hiérarchie catholique, là aussi historiquement très lié à l’Etat, qu’est née une force de contestation sociale avec l’implantation de nombre de missionnaires, véritables activistes sociaux, ayant rendu possible l’accession au pouvoir en 1991 de Jean-Bertrand Aristide, le salésien, de la paroisse St Jean de Bosco, disciple des théologiens de la libération.
Pour reprendre les conclusions de Laennec Hurbon, notre invité central, observateur des religions depuis 35 ans en Haïti, la laïcité de l’État est un réquisit indispensable à l’établissement d’un système démocratique.

Avec :
Laennec Hurbon, sociologue.
P. William Smart, ancien responsable du petit séminaire-collège Saint-Martial ayant formé depuis 100 ans une grande partie des enfants de l’élite haïtienne.
P. Jan Hanssens, directeur de la commission « justice et paix »


3/ Grand reportage : « Les Frères de Saint Jacques dans la tourmente »
Dans la paroisse de Saint-Antoine à Port-au-Prince, ravagée par le grand tremblement, quelques heures dans la vie de Michel Briand, prête breton présent en Haïti depuis 26 ans (ce sont bien les prêtres bretons qui furent avant le Concordat de 1860 les premiers missionnaires sur l’île ) .
Le père Michel, de l’ordre des frères de Saint-Jacques, la cinquantaine vaillante, barbe hirsute et carrure de colosse ne passe pas inaperçu ; il vit aujourd’hui au milieu des débris et tente d’organiser la communauté de ce vaste bidonville réputé comme l’un des plus chauds de la capitale.


4/ Portrait : Magareth Degant dit « Maggy » directrice de la clinique privée Lambert de Pétion-Ville.

V° JOURNEE / Vendredi 13 août:« Une île sous influence ».

1/ Archives : « Le gendarme américain »

Evocation des occupations américaines de 1915 et 1916 qui se prolongeront jusqu’en 1926 en République dominicaine et 1934 en Haïti. Documentaire sur l’intervention américaine (40 000 marines) en 1965 en République dominicaine pour mettre un terme à la « guerre civile » déclenchée par les militaires constitutionnalistes du général Caamano, restés fidèle au président Juan Bosch destitué par l’oligarchie et l’armée dominicaine soutenu par l’église.

2/ débats : « Hispaniola américaine ? »

Ou comment cette île stratégiquement située au cœur de la « méditerranée américaine » ne peut pas échapper depuis la fin du XIX° siècle à l’influence du gendarme étatsunien.
Un constat à nouveau illustré au lendemain du séisme du 12 janvier ou l’armée américaine a immédiatement pris le contrôle des opérations de l’aide humanitaire.

Avec: Angela Herrera Cisneros, témoin de l’intervention US à Santo Domingo en avril 1965
Christian Girault, géographe au Cnrs
Maitre Jure Vujic, diplomé en droit Université Paris II, géopoliticien.


3 / Reportage : « Welcome Gentils Yankees ! »

« Embedded », au sein du contingent de l’armée américaine »

Avec le général Ken Keen, chef du contingent US,
le colonel David Doyle du 82 régiment aéroporté ,
Chris Mulligan, responsable de l’USAID ,
le colonel Norberto Cintron,
Dr George Michel, historien et Pierre Bouton, ancien ministre de l’Education.

NB: reportage soumis à l’accréditation du commandement américain.

4/ Portrait / Jean-Posper Dauphin alias Beken, chanteur oublié.

 

A noter que Alexandre Héraud sera au Festival de cinéma de Douarnenez le vendredi 27 août 2010, 14h30, Auditorium de la Médiathèque pour l'écoute des documentaires radiophoniques sur Haïti, Voyages en Hispaniola et débats.

Les plus : en partenariat avec l'Institut national de l'audiovisuel (Ina) (www.ina.fr) des images d'archives sont proposées en accès libre pour quelques temps. Certain de ces reportages remontent jusqu'aux années 60. Taper comme mot clé « Haïti » ou « République dominicaine »


Recommandations de Gens de la Caraïbe :

- ce documentaire sur la vente des travailleurs haitiens par Duvalier en 1983 et leurs conditions de travail et de logement, dénoncées en 2007 par Esclaves au Paradis. 24 ans après, ces conditions de travail ont bien peu évolué.

- ou cet autre documentaire réalisé en 1982 autour de l'appel de l'Unesco pour la restauration de la Citadelle La Ferrière du roi Christophe, le palais du Sans-souci et le le site des Ramiers. Symboles de l'indépendance du pays et de la fin de l'esclavage sur le continent américain, ces monuments étaient déjà en ruines ou sérieusement endommagés. Leur histoire est racontée à travers des scènes de la vie quotidienne, gravures et photographies. La lecture du journal de Christophe Colomb à sa découverte de l'Amérique, en 1492, ainsi qu'une musique originale accompagnent le récit.

- reportage de RFO Martinique en 1983 pour la venue du Pape, pendant la dictature Duvalier. Avec finesse, Marijosé Alie et son équipe nous laisse comprendre que des choses ont pu être dites sur la souffrance des Haïtiens infligée par le régime en place (Bébé Doc)

- un long entretien avec François Duvalier en 1969 qui répond en lisant les réponses préparées pour le journaliste.