Note pour la presse

Sur les avocats et la détention prolongée, dont on parle en ces jours

 

Le pays continue à vivre une crise dans le domaine de la Justice. Les citoyens et citoyennes ne trouvent pas justice. Les avocats sont un des acteurs du système judiciaire.

La Commission Justice et Paix a suivi avec beaucoup d’attention les événements qui ont entouré l’arrestation de Maître Osner Févry, que la Justice a finalement déclarée illégale. La décision du Barreau de Port-au-Prince pour surseoir à plaider des causes jusqu’à ce que les avocats puissent travailler sans contrainte, sans être inquiétés d’être arrêtés dans l’exercice de leur fonction, fait poser des questions.

La Commission Justice et Paix exprime ses sympathies avec Maître Osner Févry qui a été détenu au Pénitencier national, et avec tous ceux qui sont détenus comme lui. On ne peut souhaiter ces conditions de détention à aucune personne humaine : elles sont une atteinte à la dignité humaine, elles sont humiliantes et dégradantes. Au Pénitencier près de 4.000 détenus et prisonniers vivent dans ces conditions ; de nombreuses personnes sont en détention prolongée illégale ; il y en a même qui ne savent pas pour combien de temps ils sont là.

Voici ce que croit la Commission. Selon la Commission, les problèmes de la Justice ne peuvent se résoudre par une logique de force, où le plus fort semble avoir raison. Au contraire, la logique de force prouve que la Justice marche à plusieurs vitesses. Ainsi, au cours des événements, nous avons entendu la longue liste d’une vingtaine de détenus pour lesquelles une demande en habeas corpus a été introduite antérieurement, mais qui n’a jamais eu aucun suivi. Le Parquet et le Barreau sont d’ailleurs deux acteurs du système judiciaire qui fonctionne mal. S’il fonctionne mal, tous les acteurs ensemble devraient s’assoir pour voir ce qui ne marche pas. Le « justiciable » ou citoyen également est un acteur, parce que c’est lui qui est en quête de justice ; mais le plus souvent sa voix n’est pas entendue.

Le rôle des avocats consiste à défendre le droit et la justice. Son rôle consiste à défendre la société et la convivialité selon les exigences de la loi. Son rôle et son honneur est de pouvoir défendre la liberté et la dignité de ceux et celles qui sont pauvres et démunis, les abandonnés devant un système judicaire qu’ils ne comprennent pas. Ainsi, l’avocat sert d’intermédiaire : il approche la Justice du citoyen ; il rapproche le citoyen de la Justice en vue de sa défense. La Justice devient alors un chemin de paix et une garantie de la convivialité sociale. C’est un honneur pour les avocats de pouvoir y contribuer.

Malheureusement, la réalité se présente trop souvent différemment.
Voici des constats de la Commission Justice et Paix dans sa défense des droits humains :
· Trop souvent, les avocats ne rapprochent les citoyens et citoyennes de la Justice. Quand les gens déclarent : « La Justice coûte cher, les avocats demandent chers », c’est la Justice qui est loin, trop loin pour aider les citoyens et citoyennes à résoudre leurs conflits et différends.
· Un nombre de juges d’instruction ne font pas comparaitre les détenus ou ne les entendent pas dès qu’ils se rendent compte qu`ils ne sont pas accompagnés d’un avocat. Cela fait poser des questions sur la façon que l’Etat et le Barreau organisent et garantissent l’assistance judiciaire qui est un droit pour chacun depuis son arrestation jusqu’à sa condamnation par un tribunal.
· De nombreuses organisations déclarent d’assurer l’assistance judiciaire pour les détenus ou les démunis. Il y a des cabinets d’avocats qui déclarent fournir de l’assistance gratuite. Le Barreau également fournit de l’assistance pour les démunis dans le cadre de certaines ententes entre l’Etat haïtien et des organisations internationales. Mais, comment cette assistance est-elle organisée et quelle en est la qualité ?
· Si tout marcherait bien comme on semble dire, si l’Etat et le Barreau donnent effectivement de l’assistance, alors, pourquoi y-a-t-il :
o Ce grand nombre de détenus qui n’apparaissent jamais devant un juge ? Qu’on n’appelle jamais pour être entendu ?
o Ce grand nombre de détenus qui ne connaissent même pas le juge chargé de leur dossier ?
o Ce grand nombre de détenus qui sont en possession d’une ordonnance de renvoi, mais qu’on n’appelle jamais pour être jugé ?
o Les détenus malades en prison, mais personne ne prend la défense de leur droit à la santé ?
o Des détenus qui ont une ordonnance qui ordonne leur libération, mais ils sont toujours en détention ?

Le droit d’un citoyen ou d’une citoyenne pour être assisté par un avocat commence au moment de son arrestation : personne ne doit se trouver devant un policier, un juge, un enquêteur sans la présence d’un avocat ou d’un témoin de son choix (Constitution # 25-1). L’Etat, en collaboration avec le Barreau, doit garantir ce droit.

La Justice souffre sérieusement. Il manque des juges d’instruction et des commissaires du Gouvernement ; il manque de bon équipement ; il y a les abus de pouvoir à différents niveaux. L’assistance juridique fait défaut et manque transparence. Surtout, il manque de sensibilité pour les citoyens et citoyennes qui rencontrent des problèmes, qui n’ont pas de défense, et qui pourrissent en détention ou en prison.

Avec un peu plus de sensibilité pour les victimes de la part des décideurs politiques et des acteurs du système judiciaire, nous croyons que de nombreux problèmes pourraient trouver une solution dans un délai pas trop loin.

La Commission Justice et Paix demande au Barreau et au Parquet et aux autres acteurs de chercher les bons moyens, qui sont pas la logique de la force qui fait des victimes, pour régler leurs problèmes et différends.

Pour la Commission Justice et Paix

P. Jan Hanssens, directeur
5 juin 2009