CEPR : Annulation de la dette haïtienne : rien ne justifie qu’elle ne soit pas accordée dès à présent

Rapport de Center for Economic and Policy Research

Résumé exécutif

Haïti est le pays le plus pauvre de l’hémisphère occidental. 76% de la population y vit en dessous du seuil de pauvreté et l’espérance de vie y est de 53 ans. Pourtant, en 1996, pour une fausse raison liée au poids du service de sa dette, le pays s’est vu exclure de l’initiative d’annulation de dette mise en place par la Banque mondiale et le Fonds Monétaire International (FMI) en faveur des Pays Pauvres Très Endettés (PPTE).

Bien que le pays ait par la suite été admis dans l’initiative (en 2006), Haïti a aujourd’hui accumulé un retard à cause duquel il lui est difficile de satisfaire aux conditions d’annulation de la quasi-totalité de sa dette publique extérieure, d’un montant de 1,54 milliards de USD. Ainsi, alors que les autres pays PPTE de l’hémisphère occidental (la Bolivie, la Guyane, le Honduras et le Nicaragua) ont déjà bénéficié d’une annulation de leur dette au titre de l’Initiative PPTE et de l’Initiative pour l’Allègement de la Dette Multilatérale (IADM), Haïti lutte encore pour parvenir au « point d’achèvement » de l’Initiative PPTE qui lui permettrait de se voir accorder une annulation de dette.

S’il n’atteint pas le point d’achèvement en septembre 2008 – ce qui risque bien d’arriver – Haïti devra payer 44,5 millions de USD supplémentaires de service de dette aux institutions multilatérales (principalement à la Banque mondiale et à la Banque Interaméricaine de Développement). Ce montant représente près de 26% des dépenses de santé du pays, secteur dans lequel de nombreux besoins fondamentaux ne sont pas satisfaits. En outre, ce montant ne comprend pas les 11,4 millions de USD de service de dette bilatérale que doit le pays et dont il peut également espérer l’annulation.

Mais ce n’est pas tout. Il y a peu de raisons de penser que les conditions fixées par la Banque mondiale et le FMI à une éventuelle annulation de dette puissent bénéficier à Haïti. Certes, les annulations de dette prévues au titre de l’Initiative PPTE sont positives, dans le sens où elles permettent de dégager des fonds pour les dépenses de lutte contre la pauvreté ; mais il n’en va pas de même pour les conditions auxquelles elles sont accordées. Par exemple, en avril dernier, le Bureau Indépendant d’Evaluation du FMI a publié un rapport d’étude sur l’expérience de 29 pays subsahariens ayant suivi des programmes de la Facilité pour la Réduction de la Pauvreté et la Croissance (FRPC) et ayant donc été soumis aux conditions du FMI de 1999 à 2005. Le rapport en question s’avère très critique sur le rôle du FMI, et fait notamment ressortir que les trois-quarts des aides reçues par les pays ne sont pas dépensés, mais que, sur injonction du FMI, ils sont alloués au remboursement de la dette ou conservés en réserve.

En outre, parce qu’entre 2001 et 2004, ces institutions ont interrompu toutes leurs aides financières à Haïti, contribuant ainsi largement à la dégradation économique du pays, elles devraient aujourd’hui lui accorder une annulation de dette immédiate. Il est aujourd’hui de notoriété publique que cette suppression de l’aide faisait partie des plans du gouvernement américain, qui cherchait délibérément à déstabiliser, puis à renverser, le gouvernement élu d’Haïti. Comme l’a souligné Jeffrey Sachs, économiste et ancien conseiller auprès du FMI et de la Banque mondiale, « les dirigeants américains avaient parfaitement conscience du fait que l’embargo sur l’aide entraînerait une crise de la balance des paiements, une poussée de l’inflation et l’effondrement du niveau de vie, qui à leur tour viendraient alimenter la rébellion [contre le Président Aristide]. »

Pour un pays aussi pauvre qu’Haïti, l’embargo sur l’aide a eu des effets dévastateurs sur l’économie, et la violence qui a accompagné et suivi le coup d’Etat est venue aggraver les choses et a coûté des milliers de vies. Parce que les créanciers multilatéraux ont contribué à cette destruction, et pour toutes les raisons que nous avons vues, la dette d’Haïti doit être annulée dès à présent.

Lire le rapport complet (en anglais) sur : http://www.cepr.net/documents/publications/haiti_debt_relief_2007_12.pdf