Journée mondiale de l’alimentation : quel est le sens de la commémoration dans nos campagnes ?
Par Agropresse
Les cicatrices laissées par les dernières catastrophes naturelles caractérisent encore de nombreuses communautés rurales haïtiennes. Les survivants sont confrontés au défi de trouver à manger et éprouvent maintes difficultés à mettre en place des activités génératrices de revenus. À Cabaret, région du pays fortement touchée par les intempéries, l’urgence frappe au visage. Agropresse y a rendu une visite à l’occasion de la journée mondiale de l’alimentation.
William Destin, 32 ans, vient de récupérer une assiette des décombres de son ancienne maison emportée par les eaux. Il a la joie de retrouver un objet de perdu mais n’arrive pas encore à se passer des effets de l’ouragan Ike qui l’a laissé dépourvu de tout. Ses deux enfants et sa femme sont hébergés chez des amis. Par contre, il continue d’affronter le plus grand défi post-cyclonique : nourrir sa famille.
À Carrefour-Véritable, localité de Cabaret, où Agropresse a rencontré William, l’eau des inondations laisse des trous béants dans les bananeraies. La force de travail démobilisée par les déplacements dus aux inondations, des plantations détruites en attente de se refaire une santé, les Cabarétiens ont besoin d’une aide certaine pour jouir véritablement de leur droit à l’alimentation.
Cette année, la journée mondiale de l’alimentation est commémorée sous le thème : « Sécurité alimentaire mondiale: les défis du changement climatique et des bioénergies ». Le thème tombe à point nommé pour Haïti qui vit de près une dégradation de la sécurité alimentaire, à cause des intempéries, que certains spécialistes attribuent au changement climatique.
À Cabaret, certains habitants utilisent les arbres emportés par les eaux en furie pour faire du charbon de bois. Par manque d’activités génératrices de revenus, le charbon de bois sert de moyens pour assurer la survie. En raison des besoins énormes de la population, en ces temps de crise, les risques sont énormes que les habitants se rabattent encore sur le peu d’arbres qui reste debout pour continuer à produire du charbon de bois. Ce qui les enfoncera davantage dans la spirale changement climatique – insécurité alimentaire.
Dans un message diffusé à l’occasion de la journée mondiale de l’alimentation, le directeur général de l’Organisation des Nations unies pour l’Agriculture et l’Alimentation (FAO), Jacques Diouf, a reconnu que les régions les plus pauvres sont les premières victimes du changement climatique. Du nombre des plus vulnérables, il a cité les petits exploitants agricoles et forestiers, les éleveurs et les pêcheurs. La considération de M. Diouf s’applique bien à la réalité de Cabaret.
En Haïti, l’agriculture représente plus de 26 % du produit intérieur brut (PIB). Plus de la moitié de la population active pratique l’agriculture et 80 % des exploitations agricoles se trouvent en milieu rural. Quand l’agriculture saigne, c’est toute une frange importante de la population qui en ressent les conséquences.
Dans son message, Jacques Diouf a préconisé la création de cadres incitatifs pour un accroissement massif des investissements étrangers directs en faveur de l’agriculture. Au-delà des investissements directs, Haïti a également besoin d’investissements connexes en infrastructures d’irrigation, de transport et de transformation pour renforcer toute la chaîne de production et de commercialisation.
L’annonce par le ministre de l’Agriculture, Joanas Gué, d’un projet de création d’une banque de crédit agricole en Haïti suscite des espoirs. Et c’est la concrétisation d’initiatives de ce genre qui donnera plus de sens à la journée de l’alimentation à Carrefour-Véritable (Cabaret), comme dans d’autres coins reculés du pays.
Source : Agropresse