Par Agropresse
La production intensive de poulets de chair – engraissement de poulets en bandes sur une période de 6 à 8 semaines à partir de lignées hybrides de type industriel – a été florissante en Haïti au cours de la période 1980 – 1998.
Suite à la disparition du cheptel porcin créole, provoqué par l’abattage systématique des porcs comme moyen d’éradication de la peste porcine africaine, en 1985, l’élevage de poules a connu une intensification en Haïti. La production de l’industrie avicole connut alors une croissance de plus de 14 % l’an, au cours de la période 1980-1985, où elle atteignait une moyenne de 300 000 poulets par mois. La production arrivait même jusqu’à 6 millions de poulets par an, en 1988 et 1989.
On pouvait inventorier dans le pays dans les années 80 : 4 couvoirs, d’une capacité de 1 000 000 poussins par mois ; 4 usines d’aliments, d’une capacité chacune de 200 tonnes d’aliments par jour; 3 abattoirs d’une capacité chacune de 1200 poulets par heure ; 1 000 000 de pieds carrés d’élevage installé dans tout le territoire national.
La production de poulets de chair s’est effondrée à la fin des années 90, avec l’ouverture totale du marché national aux importations de morceaux de poulets et de porcs provenant des surplus de l’élevage industriel nord-américain.
Grâce à la détermination et à l’esprit débrouillard des éleveurs, la production de poulets de chair a pu osciller malgré tout entre 40 000 et 75 000 poulets par mois en 2000.
Au fur et à mesure, la production avicole nationale se redresse, en dépit des nombreuses contraintes auxquelles fait face le secteur. La production de poulets de chair varie maintenant entre 100 000 à 125 000 poulets par mois, soit 1 200 000 à 1 800 000 poulets par an.
Qui produit les poulets de chair ?
Après la fermeture des couvoirs, des abattoirs et des plus grandes usines de fabrication d’aliments et suite à l’invasion du marché national par les morceaux de volailles, toutes les conditions étaient réunies pour l’arrêt total de la production nationale de poulets de chair. Cependant, certains éleveurs ont pu stabiliser leur production et conserver une part du marché.
Les producteurs s’adonnant à l’activité de l’élevage peuvent être classés en trois catégories : les petits producteurs, les producteurs moyens et les grands producteurs.
Les petits producteurs élèvent moins de 500 poussins. Ce sont eux qui font varier le nombre de producteurs, selon la saison. En ce qui concerne les producteurs moyens, leur nombre est compris entre 500 à 10 000 poussins. Les grands producteurs, pour leur part, élèvent plus de 10 000 poussins. Il n’y a actuellement qu’entre 3 à 5 grands producteurs dans le pays.
Dans la perspective du renforcement de la production de poulets de chair, Haïti dispose d’un nombre important d’infrastructures qui ne demandent qu’à être valorisées. On pourra compter aussi sur la demande de la viande de poule qui est très élevée dans le pays.
Menaces et contraintes
En effet, la production de poulets est très dépendante d’intrants extérieurs: poussins hybrides de races industrielles (produits dans des fermes spécialisées), tourteau de soja (source de protéines dans l’alimentation) et de céréales importées (source d’énergie). L’approvisionnement en intrants à l’extérieur conduit à des sorties de devises et constitue une menace pour le secteur de l’élevage en raison de la flambée des prix des céréales.
Tout au mieux, l’approvisionnement en poussins en Haïti peut se faire à partir d’œufs fertiles incubés sur place. Au moins deux couvoirs ont été ouverts dans le pays depuis 2006 : MFT S.A et Signal de la victoire. Ils permettent de pallier certains problèmes liés à l’importation de poussins, dont les pertes au moment du transport.
La production de poulets de chair est une activité de simple engraissement. Il s’agit en fait de transformer un aliment concentré en viande. Plus de 80 % des coûts de production reposent sur l’alimentation de l’animal. Pour la fabrication d’aliments de poulets de chair, les usiniers utilisent le maïs ou le sorgho comme source d’énergie, du tourteau de soja comme source de protéines et des concentrés industriels de vitamines et minéraux (appelés aussi prémix). Le tourteau de soja et le prémix ont toujours été importés, contrairement au maïs et au sorgho qui provenaient de la production nationale. Mais, depuis quelques années, les usines d’aliments utilisent principalement du maïs importé.
À part la dépendance d’intrants extérieurs, d’autres contraintes pèsent également sur le secteur : le niveau d’endettement élevé des entreprises avicoles ; le manque d’accès au crédit en raison des taux d’intérêt élevé sur le marché ; la faiblesse des organisations de producteurs et l’absence d’abattoir. Ce dernier est un problème majeur, vu que, quand les poulets de chair arrivent à maturité, la meilleure option serait de les vendre immédiatement ou de les tuer dans un abattoir pour conserver la viande. L’absence d’abattoir conduit à des pertes considérables pour les éleveurs qui doivent dépenser beaucoup plus pour nourrir les poulets quand ils ne sont pas tous vendus rapidement.
Il faut également noter la menace de la grippe aviaire, maladie diagnostiquée pour l’instant en République dominicaine qui pourrait affecter négativement l’industrie nationale. Mais sa découverte peut être aussi une opportunité pour la production avicole haïtienne si des dispositions sont mises en place pour satisfaire la demande locale à partir de la production nationale.
Il y a aussi des contraintes d’ordre externe, liées au contexte économique et institutionnel de la production : la concurrence des produits importés, principalement des morceaux de volailles, la faiblesse des structures étatiques pour bloquer les produits mal conservés et impropres à l’alimentation humaine, la pratique du dumping dont sont victimes les producteurs locaux – des vendeurs écoulent sur le marché un produit à bas prix pour ensuite remonter le prix après le retrait du concurrent du le marché -.
Comment lever ces contraintes ?
Les mesures à envisager pourraient être le renforcement de la quarantaine animale et des structures d’inspection sanitaire du pays, le contrôle du volume d’importations de viande de poulets qui envahissent le marché national, l’appui à la relance de la production céréalière afin de disposer de plus de matières premières locales pour la préparation d’aliments à meilleur prix pour bétail. Il y a aussi nécessité de rendre effectif l’exonération pour les importations des intrants nécessaires à l’élevage, l’amélioration des procédures de dédouanement au port de Port-au-Prince et l’abaissement des tarifs portuaires. Dans cette dynamique, il faudra repenser les conditions générales d’accès au crédit au secteur de la production agricole et de l’élevage (abaissement des taux d’intérêt, constitution de fonds de garantie etc…).
Une fois ces mesures appliquées, le cadre sera plus propice pour les investissements privés dans l’industrie avicole. Des champs d’investissement pourront être, par exemple, la constitution d’un stock d’intrants (soya et maïs) pour la préparation d’aliments (avec l’appui du secteur public) et la remise en marche d’un abattoir en collaboration avec certains importateurs de produits congelés qui disposent déjà des infrastructures de conservation. L’application de toutes ces dispositions devra se faire avec l’appui du pouvoir public dont le support est indispensable pour la production intensive de poulets de chair dans le pays. Parallèlement, la production d’œufs et l’amélioration de l’élevage traditionnel pourront tout aussi bien faire l’objet de mesures spéciales.
Source : MARNDR/BID, Identification de créneaux potentiels dans les filières rurales haïtiennes (Filière élevage : bovins, caprins, lapins, porcins, volailles, abeilles), 2005