Contrairement au mouvement GNB, c’est l’opposition politique qui est au-devant de la scène dans la mobilisation anti-Jovenel Moïse. Depuis deux mois, les mots d’ordre des têtes de pont de l’opposition sont suivis ou presque. Cela n’empêche pas que les critiques contre la classe politique refont surface surtout sur les réseaux sociaux. Pour certains, les opposants qui veulent chasser Jovenel Moïse du pouvoir sont aussi responsables de la situation du pays. Les critiques visent surtout ceux qui détiennent comme Jovenel Moïse un mandat du peuple ou ceux qui occupaient des postes de responsabilité dans les administrations passées.
Même si les leaders de l’opposition mènent le mouvement anti-Jovenel Moïse, ils doivent savoir qu’ils sont des mal-aimés. Les élections organisées à travers le pays depuis la fin de la dictature des Duvalier le prouvent. La population élit toujours un outsider au poste de président de la République au détriment des leaders politiques actifs sur le terrain. La cohabitation entre un président outsider et les leaders politiques dits traditionnels est toujours problématique. D’où l’une des causes de l’instabilité politique que vit le pays depuis la chute des Duvalier.
Le mode de gestion des partis politiques qui pullulent à travers le pays depuis les 30 dernières années demeure sans conteste l’une des causes de la grande méfiance de la population envers la classe politique. La plupart des partis n’ont pas changé de président depuis leur création. Certains sont actifs seulement en période électorales ou en périodes de crise politique comme celle que nous vivons aujourd’hui. On ignore leur adresse, leurs sources de financement, la date de leur dernier congrès … Impossible d’évoquer un deuxième responsable du parti après son président qui est souvent son fondateur.
L’autre cause fondamentale de la méfiance de la population envers les partis politiques est aussi leur incapacité à se mettre ensemble pour construire quelque chose de durable. Dans notre histoire récente, nous pouvons trouver de multiples exemples qui peuvent illustrer ce reproche fait à nos leaders politiques. Le week-end écoulé, des plateformes politiques de l’opposition se sont mises d’accord sur la marche à suivre pour gérer le pays si elles arrivent à concrétiser leur rêve de faire démissionner le président Jovenel Moïse. Si cette entente demeure pour les proches du pouvoir une vaste plaisanterie, pour d’autres il s’agit d’un pas dans la bonne direction. Les partis politiques de l’opposition prouvent qu’elles peuvent s’entendre sur quelque chose.
Il s’agit effectivement d’une bonne chose que des partis politiques d’horizons divers se mettent ensemble pour discuter de l’avenir du pays. Mais il est certain que les détracteurs de la classe politique attendent plus, notamment un autre mode de gestion des partis politiques. Ne serait-il pas une bonne idée que nos leaders politiques, indépendamment de leurs tendances, se mettent ensemble pour doter le pays de quelques grands partis politiques – pourquoi pas deux ou trois – en lieu et place des centaines de petits partis qui existent actuellement ? La gestion transparente de ces partis pourra inciter les jeunes à les intégrer.
Des partis politiques qui disposent de membres véritables, qui organisent des congrès régulièrement pour choisir leurs comités directeurs et leurs candidats aux postes électifs, qui divulguent leurs sources de financement constitueront un vrai booster pour la démocratie haïtienne. Est-ce trop demander ?