Voilà un auteur qui méritait bien de figurer dans la série des documentaires d’Arnold Antonin. Camper pour les générations futures la figure emblématique de ce grand maître de la poésie haïtienne qu’est Anthony Phelps était on ne plus indispensable.

En effet, Phelps occupe une place à part dans ce magnifique panthéon de poètes où figurent à la bonne place un René Philoctète, un Davertige ou un Serge Legagneur. La prose ailée de Phelps offre à son lecteur une vue plongeante de nos réalités sociopolitiques. Son disque culte, Mon pays que voici fut pendant des décennies le mantra de tous ceux qui ici et ailleurs ont rêvé d’une autre Haïti. Comme l’affirme, avec pertinence, la romancière Yanick Lahens, on trouvait chez la plupart des intellectuels des années soixante-dix, une photo du Che, le « Cahier d’un retour au pays natal » de Césaire et l’incontournable disque « Mon pays que voici ».

Arnold Antonin a donné carte blanche au poète pour qu’il évoque des moments de sa vie de créateur, d’Haïtien banni par la dictature, et aussi d’exilé à la verve prolifique. Oui un exilé qui, faute de pouvoir revenir de longues années au pays natal, a décidé d’embrasser la ville de Montréal. Un amour compensateur pour soulager l’intense douleur d’être coupé de ses racines. La terre d’exil est devenue une seconde patrie, une patrie de substitution. Une terre froide, gelée par d’intenses hivers mais dont la chaleur des habitants a servi d’incubateur à une œuvre grandiose.

Oui grandiose tant les vers sont amples, chamarrés et brillants. Un parfait styliste cet Anthony ! René Philoctète me confia un jour sur la galerie de sa mythique résidence à la ruelle Chrétien, à Port-au-Prince, que « Phelps écrivait avec une lame de rasoir et qu’en le lisant on pouvait entendre le bruit de la lame sur le papier froissé ». C’était en fait l’hommage d’un grand écrivain à un autre de ses pairs dont la pureté du style était reconnue de tous les poètes de sa génération.

Le film d’Arnold Antonin rend à l’écran la beauté de l’œuvre de Phelps. Le cinéaste s’est laissé séduire par la tessiture étendue sur de la soie, et aux sonorités chatoyantes des poèmes en les appariant avec bonheur et habilité à nos plus beaux sites non encore profanés par la dégradation ambiante.

 

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