Une tribune de Chnatal Guerrier, Présidente de l’association AFSHEC-CHASO et membre du conseil d’administration du CHF
Le Premier ministre qui est amené à former le prochain gouvernement devra être pleinement conscient de l’état de délabrement de notre pays. Cela veut dire qu’il devra prendre la mesure de la dure tâche qui l’attend et être en capacité de s’entourer de ministres et de conseillers tout aussi conscients.
Ce Premier ministre doit être en mesure de prouver, par ses réalisations tout au long de sa vie professionnelle ou sociale, qu’il est la personne idéale pour diriger un gouvernement dont la priorité est réellement le bien-être des citoyens de ce pays. Avoir eu des diplômes n’est pas suffisant, si toute sa vie, on n’a fait que pointer derrière un bureau ou mener des activités commerciales. Il faut avoir le sens du devoir et être animé d’un certain patriotisme.
Le nouveau chef de gouvernement devra s’engager à faire état de son patrimoine, de ses avoirs dans le pays et à l’étranger et prouver par quels moyens il a pu les acquérir. Il devra s’engager à avoir une gestion rigoureuse et transparente des deniers publics et publier régulièrement des résultats.
Le Premier ministre devra avant tout renoncer aux privilèges exorbitants que lui confère son titre, tant que la situation économique du pays et des citoyens ne s’améliorera pas. Il devra en être de même pour les ministres, secrétaires d’État, chefs de cabinet et tous les fonctionnaires des services publics. C’est cette rigueur qui leur permettra de jouir de la légitimité nécessaire pour légiférer et obtenir des résultats dans la lutte contre la corruption (entre autres). Il y a de bons exemples à tirer des pays étrangers au lieu de s’en tenir uniquement au mauvais.
Sans vouloir inciter quiconque à la chasse aux sorcières, je pense que le Premier ministre et les membres de son gouvernement doivent être pleinement convaincus qu’ils partent avec un énorme handicap : un déficit de confiance de la part des citoyens qui ne supportent plus d’être pris pour des idiots. Notre peuple est tolérant et patient mais il peut aussi se transformer en hyène lorsqu’il est poussé à bout.
Il faut que ce soit clair, net et précis que tout fonctionnaire ou élu qui ne pourra justifier la provenance de biens acquis trop rapidement, de manière illégale, devra être entendu par la justice, être démis de ses fonctions, restituer ces dits biens et, éventuellement, subir des sanctions selon l’ampleur et le niveau de gravité de la corruption.
La corruption doit désormais être considérée comme un délit et être passible de peine de prison.
Tous les ministres et élus doivent être conscients qu’ils sont au service du pays et non l’inverse.
Finies toutes les voitures de fonction fort onéreuses avec chauffeurs. Il faut au contraire développer des transports en commun, entretenir les rues des principales villes. Il faut enfin construire des routes pour relier la capitale et les villes de province et celles-ci entre elles. Il faut rendre la circulation plus fluide en organisant un système de transport public et privé avec des tarifs classifiés de manière transparente.
Lutte contre la corruption
Finies les pensions exorbitantes allouées à des ex-présidents, ex-ministres et parlementaires qui ont profité de leur pouvoir pour s’enrichir, au mépris des citoyens qui peinent à gagner leur vie.
Les ministres et élus doivent avoir un salaire décent, mais ils doivent être impitoyablement punis s’ils se livrent à des actes de corruption.
C’est une utopie sans doute. Mais la lutte contre la corruption dans notre pays est possible et c’est une bataille gagnable si on met toute la volonté et les moyens. Le pays souffre terriblement et la première cause de cette souffrance, c’est la corruption.
Point n’est besoin de rouler dans le dernier modèle de 4X4, si c’est pour traverser la capitale sur un tapis d’immondices charriés par les crues des rivières et avec comme paysage, des ravines converties en poubelles géantes à ciel ouvert.
Il faut que les budgets concernant l’éducation, l’agriculture, la pêche, l’environnement augmentent régulièrement. Il faut nommer des ministres compétents dans leurs domaines et capables d’animer une équipe de personnes compétentes et soucieuses du bien du pays et du bien-être de ses citoyens.
Il faut chasser toute forme de conflits d’intérêts. Cela nuit au développement du pays et paralyse les idées novatrices et les investissements.
Tout prétendant ou candidat, avant d’être nommé, devrait donner sa vision pour le pays, expliquer ce qu’il peut lui apporter et quels moyens il entend le mettre en oeuvre pour atteindre un objectif fixé.
Je réfléchis toute seule dans ma chambre et, comme des milliers de compatriotes, je reconnais que la tâche est immense. Mais, avec une réelle volonté politique, une certaine rigueur, une conscience citoyenne, une bonne dose d’humanisme, je pense qu’il y a moyen de faire décoller notre beau petit pays et lui redonner son rang dans le concert des nations.
Beaucoup de pays ont connu des guerres terribles. Mais, ils se sont reconstruits grâce à leurs dirigeants, leurs entreprises, leur société civile, leurs citoyens qui se sont montrés à la hauteur de la tâche. Ceux-ci ont su privilégier les intérêts du pays avant les leurs.
Haïti est un pays qui possède des richesses humaines inestimables. Un quart de sa population vit en dehors de son sein. Ostensiblement, il les exclut, les renie, préférant tendre la main ici et là, envers d’autres plutôt qu’à ses propres ressortissants. « Kwi tendu et toute fierté bue », pour parodier le poète Anthony Phelps. Ces quatre millions de compatriotes rejetés représentent pourtant une grande partie de cette richesse dont le pays a besoin pour se relever. Trop de promesses qui voulaient « inclure la diaspora » sont passées aux oubliettes aussitôt qu’elles avaient été prononcées.
Regardez autour de vous et trouvez-moi un exemple de pays qui a fondé sa richesse et son développement sur des aides internationales uniquement. Nous avons des richesses. À nous de les exploiter et d’en profiter pour le bien-être de notre population.
Je ne doute nullement que le Président de la République a eu en tête toutes ces réflexions au moment de désigner son Premier ministre, compte tenu du contexte actuel. Dès lors, leur destin est désormais lié, pour le meilleur et j’espère vraiment le meilleur pour notre pays.