Tout, tout, tout sur Emmelie Prophète

 La 24 e édition de Livres en folie reçoit cette année encore deux invités d’honneur. Emmelie Prophète et Dieudonné Fardin. Connue pour ses commentaires tranchants et son sens critique sans précédent, Emmelie Prophète a accepté volontiers de s’exposer sur la place d’inquisition de Ticket. Non sans quelques petites réticences et une bonne humeur contagieuse, elle a répondu aux questions posées par Daphney V. Malandre. A lire simultanément dans la parution du jour de Le Nouvelliste et sur le site de Ticket Magazine, faites-vous plaisir.

TM : Racontez-nous votre histoire, dites-nous qui vous êtes.

– Je suis une Port-au-Princienne totale, d’ailleurs je suis née à l’Hôpital de l’Université d’État d’Haïti un 15 juin 1971. J’ai grandi à Port-au-Prince, j’y ai fait mes études classiques et universitaires, à la Faculté de droit et des sciences économiques plus précisément. J’ai également été à l’École normale supérieure, car j’ai toujours voulu étudier les lettres, j’avais une passion pour celles-ci et c’était la faculté qui se rapprochait le plus de ce je désirais parmi les facs publiques. À l’époque, les universités privées n’avaient pas la côte, se yon bagay ki resan. J’ai aussi une formation en journalisme à Jackson Field University dans le Mississipi, plusieurs autres ici et là dont une en économie de la culture à l’Université Paris Dauphine en France. Une vie très impliquée dans la littérature, dans le livre, dans le partage du savoir, car j’ai toujours travaillé dans des milieux ayant rapport avec des bibliothèques, la lecture publique. Depuis 4 ou 5 ans, je suis dans le secteur droit d’auteur et droit voisin, qui est un domaine vierge, mais tellement porteur et surtout avec le numérique qui s’en vient et les industries culturelles et créatifs.

TM : Êtes-vous mariée ?

– Oui, je suis le suis. À un écrivain qui s’appelle Jean Euphèle Milcé. J’ai deux filles, l’une a 20 ans, qui fait des études en droit, et l’autre en a 9.

TM : Mais on vous appelle souvent Madame Prophète…

– Hélas ! Comme mon mari écrit des livres et les signe Euphèle Milcé, li t ap difisil anpil pou m ta rele Emmelie Milcé (rires). Étant donné que j’ai commencé très tôt avec l’écriture, depuis l’université, avec des textes qui paraissaient dans des revues, des magazines, etc., l’écrivain s’appelle Emmelie Prophète. Men si w ap fè yon chèk pou mwen, se Emmelie Prophète Milcé pou mete paske lè m pral chanje l, bank la ap ban m pwoblèm (hahaha).

TM : On pensait que c’était par souci de féminisme, un truc dans le genre ?

– Même pas, parce que dans la vie civile je m’appelle Emmelie Prophète Milcé. Mes pièces d’identité, puisque nous sommes enregistrés dans le système de l’état, je m’appelle en principe Emmelie Syriaque Prophète Milcé, car mon père a eu la très bonne idée de faire porter et le nom de notre mère et le sien. Très tôt, je me suis arrêtée à Emmelie Prophète paske m twouve bagay la twò long.

TM : Et si vous nous parliez de cette enfance que vous évoquez assez souvent ?

– Dans ma famille, j’étais la seule fille, J’avais un grand frère et un plus jeune. J’ai grandi dans cette idée où « tifi pa soti », je ne pouvais même pas rester devant la barrière. Mes frères sortaient pour jouer, moi je restais à la maison. Ce temps, je l’ai mis à profit, car je lisais tout le temps. On ne peut empêcher à une personne qui lit de sortir, on ne peut l’enfermer dans un espace. Je me rappelle la première fois que je suis sortie toute seule, j’avais 14 ans, et c’est parce que mon grand frère avait refusé de m’emmener voir les comédiens de Graham Green e papa m te gentan dakò pou m ale. Voilà comment je suis sortie, seule, pour la première de ma vie.

TM : Vous avez parlé de votre initiation à la lecture, et pour l’écriture, comment cela a commencé ?

– C’est la lecture qui m’a amenée vers l’écriture. Je lisais énormément et quand il y avait rareté de livres, que je ne trouvais presque plus rien à lire, je me mettais à feuilleter des livres scolaires. J’écrivais des poèmes en cachette men yo pa t bon ditou (rires). À travers les manuels, j’apprenais à comprendre le monde, à en avoir plusieurs visions. Et puis, j’ai eu la chance de rencontrer des écrivains comme René Philoctète, qui a joué un grand rôle dans ma vie. On avait un club de lecture qui s’appelait « La parenthèse culturelle ». René m’a emmené chez Tyga où j’ai fait la connaissance de Jean-Claude Fignolé. Ils avaient du mordant hein ! Et pour répondre à ces grands, il fallait avoir du répondant. Si moun sa yo ba w yon kout dan, fòk ou te solid. En plus, à l’époque, les poètes se lisaient entre eux. Et il y avait du challenge. Mais la littérature n’est plus ce qu’elle était. Je ne dis pas que c’est mieux avant, surtout si on considère l’évolution de la société, les ouvertures et les opportunités, cela a bien changé. En même temps, il y a les réseaux sociaux. Bien que j’ai une mauvaise opinion d’eux, je ne conteste pas leur utilité.

TM : Cela voudrait-il dire que vous n’avez pas de compte Instagram, Facebook, etc. ?

– Non. Les réseaux sociaux, c’est comme, excusez mon langage, des toilettes en plein air. Tout le fait et puis ça pue. Mais on ne peut minimiser leur utilité. En fait, ils résolvent de grands problèmes de solitude mais, des fois, il y a une telle bataille pour exister que c’est d’une telle platitude et dérangeant. Il y a tellement de gens qui parlent qu’ils deviennent inaudibles.

TM : Revenons à votre œuvre. Quels termes retrouve-t-on le plus souvent dans vos écrits ?

– Bon… Je parle des gens. Des gens qui vivent dans des quartiers précaires. C’est des aventures humaines. Bien entendu, c’est comme ça pour la plupart des romans, mais c’est un regard différent. La ville est très présente, des incursions sur la politique, la religion, etc. C’est des histoires de vie. Comment ce qui se passe dans la ville impacte sur les gens, c’est proposer la vie quotidienne aux regards de l’autre sans donner d’explication. C’est aussi la solitude, menm si gen rezo sosyo yo, n ap viv nan yon solitid ki ekstraòdinè menm si nou pa rann nou kont. C’est aussi la précarité. En ce sens, la littérature devance l’histoire, car quand c’est l’historien qui conte les faits, il le fait dans une perspective macro. La littérature va plus loin. Un romancier qui raconte les péripéties d’une personne, 30 ans plus tard, le lecteur pourra comprendre la situation du pays. La littérature met en évidence les états d’âme, les ressentis, l’introspection y est très présente. C’est pourquoi elle est fondamentale.

TM : Vous êtes poète, romancière, journaliste, comment arrivez-vous à jongler entre les genres ?

– Je ne jongle pas. Quand je suis dans un genre, j’y reste et après je passe à un autre sans trop de difficulté. Le fait que je sois journaliste m’aide un peu, car j’appréhende et aborde les faits autrement, cela me permet de rentrer dans l’actualité. Moi, j’ai commencé par la poésie, la plupart des écrivains haïtiens ont commencé par la poésie…

TM : Il y a beaucoup de personnes qui commencent par la poésie, men ki pa ale okenn kote. Moi par exemple, ça n’a pas marché…

– (rires) C’est parce que tu n’as pas insisté ! Le saut que beaucoup de gens n’ont pas fait, et toi aussi, c’est prendre le risque de montrer son œuvre à d’autres personnes, et c’est là qu’on se met en danger. Ou paka ekri san w pa mete tèt ou an danje. Tu t’offres aux autres. On sait comment tu penses, comment tu vois le monde. C’est quelque chose d’impudique mais, en même temps, l’écrivain doit rester dans une forme de pudeur. C’est-à-dire que l’on n’écrit pas pour fanfaronner. Paske ou pa konnen si se tout moun ki anvi li w, ki anvi tande w. L’écrivain est ouvert, il peut être tout le monde. Il doit être capable de se mettre dans la peau de n’importe qui, se permettre de rentrer dans son univers sans taper dessus. C’est dans cette idée de tolérance que je viens avec mon roman « Du domaine de la tolérance ». C’était après la proposition de loi du Sénat sur la Réputation et les bonnes vie et mœurs. J’en ai parlé à Euphèle Milcé, j’ai appelé Lionel Trouillot. Je leur ai dit qu’on ne peut laisser passer cela sans réagir. D’ailleurs, quand a-t-on bonne réputation ? Comment la vie peut elle être bonne dans ces conditions ?

TM : Comment fais-tu pour gérer tout ça, surtout que tu tiens une émission sur Magik9 trois fois par semaine ? D’ailleurs parlons de cette émission pour ceux qui ne le connaissent pas

– Eh oui ! Les carnets d’Emmelie, c’est trois fois par semaine depuis décembre 2011. Mon Dieu, ça va faire 7 ans ! (rires). C’est une heure d’émission où je parle des actualités culturelles et de la culture, paske se pa tout lè genyen aktyalite kiltirèl. À ces moments-là, on parle de cinéma, de littérature, etc. Partager beaucoup de choses, j’estime que les gens doivent savoir. C’est entre 9 et 10 heures a.m. les lundi, mercredi et vendredi. Et ça marche ! J’ai beaucoup de feedback ! En même temps, il y a des moments à froid. Et ce n’est pas innocent, quand tu es du domaine de la littérature, de l’art, tu dois t’attendre à des réactions. Et le fait qu’il n’y ait pas de critique en Haïti, on se permet de faire n’importe quoi. La critique est morte en Haïti. Depi w kritike yon moun li anvi bat ou, li anvi manje w. Alors que si vous produisez une œuvre, vous devez la soumettre aux critiques, sinon cela ne fait pas avancer l’art. Tout moun fè tout bagay, e tout bon, ça n’existe pas ! Il faut un éveil à la critique !

TM : Entre Magik9, votre travail au BHDA, être mère de famille, écouter de la musique, vous voulez nous faire croire que vous trouvez quand même le temps de lire et d’écrire ?

– Mais je dois lire, sinon je ne peux pas écrire. Bon, peut-être un peu moins qu’avant. Sauf que tu deviens plus sélectif dans tes lectures. Chaque personne possède son seuil de tolérance, à un moment donné il y a des auteurs sur lesquels tu ne t’attardes pas trop. Men mwen li, mwen oblije li. Je lis beaucoup d’articles de journaux. Il m’arrive de lire tous les articles du Nouvelliste, lè m jwenn fot konsa, c’est Frantz qui en paie les prix, toutan map anmède li ! (rires)

Les premières fois d’Emmelie Prophète

TM : Premier jour sur terre

– C’était un mardi 15 juin 1971, à Port-au-Prince, à l’HUEH.

TM : Première école ?

– C’était une petite école pas très éloignée de chez moi. Lina Lahens, se te non madanm ki te fè lekòl la. Mais le souvenir que je garde de cette école se kòmsi foumi te toujou ap mòde m. On nous exigeait d’avoir un mouchoir, mais je le perdais tous les jours, manman m te oblije achte yon lon twal pou l ap koupe ti moso ladan chak tan (hahaha).

TM : Étais-tu une élève turbulente ?

– Non non. J’ai toujours été une enfant très douce, très calme. Même pas une petite punition. Et avec le recul, je me demande comment j’ai pu être comme ça.

TM : Première fessée

– Ahhh ! J’ai pris beaucoup de fessées. En plus, pour des raisons très farfelues. Men papa m pa renmen lè m ap pale bagay sa yo nan entèvyou ! (rires).

TM : Première grande honte ?

– Se pou yon afè pipi nan kabann ! Là aussi ma maman va passer une année sans me parler (rires), mais je ne vois pas pourquoi mettre un enfant mal à l’aise parce qu’il ou qu’elle fait pipi au lit. Ce n’est pas un problème. J’étais mise sur une sorte de sellette, on disait à tout le monde que j’étais une « pisannit ». E mwen kite pipi nan kabann trè ta ! J’étais au secondaire.

TM : Premier poème ?

– Pourquoi le monde est si méchant ? Ce navet-là ! Et tous mes camarades de sixième le trouvaient très bon (hahaha).

TM : Premier flirt ?

– C’était pendant les vacances, je ne me souviens pas exactement lequel, mais j’ai l’impression que j’avais 13 ans. Tout le monde voulait flirter avec les garçons, et ces derniers sont tellement plus bêtes que les filles à cet âge-là. Mais ça n’a pas duré, m pat menm gen dwa soti anplis.

TM : Premier baiser ?

– Je ne me souviens pas ! En fait, il n’en a pas eu.

TM : Premier amour ?

– J’étais déjà à la fac de droit et lui à la fac de médecine, mais cela n’a pas duré.

TM : Première grande passion ?

– Première grande passion… Humm… J’avais 22 ans, il était macho, comme ce n’était pas permis ! Macho et coureur. S’il m’entend, c’était un vrai salaud !

TM : Première relation sexuelle ?

– Sa mande yon ti rafrechisman ! Cela s’est très bien passé, c’est tout ce que je peux dire.

Première scène de jalousie?

– Je n’ai pas un souvenir précis de la jalousie. Avec le temps, avec ma compréhension du monde, la jalousie est une passion triste. Mwen pa jalouz pou kwakseswa.

TM : Vous n’avez pas eu à subir des scènes de jalousie non plus?

– Ah oui! Certainement! Beaucoup, franchement.

TM : Première bagarre?

– J’étais en classe de primaire, je me suis battue avec une autre fille. Je ne rappelle pas pourquoi exactement, on venait de sonner la fin de la récré et tout à coup il y a eu un corps-à-corps. C’était la première et la dernière fois. Parce que j’aime bien les joutes verbales, mais les corps à corps c’est pour faire l’amour pas se battre. Fallait nous voir, pas beau du tout. Au coin, punies, rubans arrachés, uniformes qui pendaient, etc.

TM : Première voiture?

– C’était une Nissan Sentra marron. Un petite merveille qui a duré un an. Un an parce que, à un moment donné, li te pran gaz pou kont li, depi w pase kle, li pati. Je me rapelle qu’un dimanche, sur la route de Delmas, machin nan pran file nan menm, ou pa ta di se yon djab ki te ladan. Les mécaniens ne parvenaient pas à lever la panne, mwen depoze l tou dousman.

TM : Premier travail?

– Mon premier travail était un travail de vacances dans une école. J’avais 18 ans. Je faisais les inscriptions. Il y avait une espèce de téléphone, m te fin wè mò!

TM : Premier gros chagrin?

– Je perdais des gens. On avait une petite cousine qui habitait la maison et elle est morte. Mwen te panse latè ta pral kraze, tant que j’étais triste. Et aujourd’hui encore, c’est difficile.

TM : Premier mariage?

– Je me suis mariée en 2008, j’étais alors enceinte de ma deuxième fille. Déjà, je ne voulais pas me marier, mais mon cher Jean Euphèle Milcé ne le concevait pas ainsi. Li te protestan, papa l te pastè. Il m’a dit : « Je ne suis pas un goujat, tu sais. Tu ne peux pas faire ça ». Sinon, cela ne m’aurait pas dérangée de ne pas le faire.

TM : Mais d’où vous est venu cet état d’esprit, sachant qu’on élevait les jeunes filles avec l’idée qu’elles doivent se marier pour que leur vie soit complète?

– Justement, je pense que c’est une information importante. Je fais tout différemment de ce qu’on m’a apprise à la maison. Même dans l’éducation de mes filles, si j’avais fait comme mes parents, elles ne pourraient pas sortir, yo t ap pran baton tout jounen, etc. Pour moi, il fallait tout faire autrement. Donc, cela m’importait peu d’être mariée ou pas.

TM : Première infidélité?

– Je suis quelqu’un de très fidèle. Fidèle à mes amours, à mes convictions, à mes amis. C’est la fidélité sur toute la ligne.

TM : Première infidélité dont vous avez été victime?

– Bon, pas victime mais c’est vrai que cela cause un petit peu de chagrin. On se sent trahi, mais très vite j’ai relativisé.On se dit pèsonn pa pou pèsonn. On est tous jaloux et possessif, mais on peut se guérir. Ce n’est pas pour être totalement imperméable, mais c’est pour se dire qu’on peut vivre avec, trouver quelqu’un d’autre et tout ça.

TM : Première prison?

– Je n’ai jamais été en prison, je n’ai acun casier judiciaire. Officiellement, mwen gen « bonne vie et mœurs » men yo p ap ban mwen l poutèt liv les (rires).

TM : Premier exil?

– Je ne suis jamais partie en exil. Je suis sortie certes, mais jamais par la force.

TM : Premier succès littéraire?

– Est-ce qu’on peut appeler ça un succès littéraire? Ce que j’appelle succès c’était « Des marges à remplir ». Succès parce que j’ai été adoubée par un écrivain, Georges Castera. Vois-tu, il a fait la quatrième de couverture de ton livre. Pour moi, c’était un vrai succès. Des gens qui connaissent la poésie, qui aiment la poésie et qui ont apprécié ce que j’avais écrit.

TM : Premier prix décroché?

– C’était pour « Le testament des solitudes ». J’ai eu le prix de la Delf, de l’association des écrivains de la langue française.

TM : Première conférence?

– Wouuuuhhhh! J’en ai tellement fait! Je ne me souviens pas de la première conférence.

TM : Première participation à Livres en folie?

– Est-ce en tant qu’écrivain, lectrice ou personne? Parce que c’est tout au début. J’ai été biberonnée à Livres en folie. Depuis le début, j’ai toujours aimé cet évènement. Pito ou di m ki sèl fwa mwen pa patisipe nan Livres en folie! C’était en juin 2006, je vivais en Suisse à ce moment-là, et je ne pouvais pas être présente. Sinon, c’est 23 fois.

TM : Depuis quand en tant qu’auteure?

– Comme auteure, depuis 2000.

TM : Premier salon du livre?

– Mon premier était le salon du livre de la Guadeloupe, en 2004.

TM : Première polémique?

– Je ne me rappelle pas quelle en a été la première, mais il y en a qui ont pris des proportions énormes. En même temps, elles ne m’atteignent pas. C’est pour cela que je ne m’en souviens pas et en plus du fait que je ne suis pas sur les réseaux sociaux. Elles ne passent pas. Beaucoup de personnes me disent qu’on est en train de me lyncher sur les RS, mais je ne suis pas au courant. Je dois te dire que je ne déteste pas les polémiques.

TM : Parmi les auteurs que vous avez lu, lequel vous a le premier marquée?

– C’était très jeune, Marcel Pagnol avec « Le château de ma mère ». Il y a eu beaucoup de livres, mais je me souviens de cet autre ouvrage que j’avais lu, encore adolescente, même pas encore 18 ans. C’était « La conjuration des imbéciles » de l’américain John Kennedy Toole. C’est une histoire très particulière. Il n’a pas trouvé d’éditeur pour son livre et il se suicide. Sa mère entreprend d’en trouver un après sa mort. Publié, à titre posthume, le livre a eu le prix Pulitzer, qui est le plus grand prix littéraire aux États-Unis. J’ai vraiment aimé ce livre. Après, j’ai toujours été fascinée par Marcel Proust. Il y a aussi un écrivain italien, Alessandro Baricco. À un moment de ma vie, j’ai beaucoup aimé son livre « Soie ». Il y a aussi « Le tunnel » d’Ernesto Sabato. Il y a eu Roberto Bolano, Gabriel Garcia Marquez. Beaucoup de livres. Menm lè ou genyen 20 mil liv, ou genyen ti bibliyotèk ki genyen pa plis pase 10 oubyen 20 liv.

TM : Parmi vos livres, est-ce qu’il y en a un qui vous avait demandé plus de travail ou auquel vous êtes le plus attachée?

– Oui, le Testament des solitudes. Pourquoi, parce que ce livre raconte des choses que je n’avais pas vues, mais qui sont là.C’est comme un retour en arrière pour voir des gens et comprendre ce qu’a été l’exil économique de certains Haïtiens à un certain moment. J’ai des regards sur le quartier dans lequel je vivais. Cela a été un point de passage entre la poésie et le récit.

Parlons maintenant de vos préférences…

TM : Votre lieu de vacances préféré?

– Ohh, chez moi !

TM : Ou ka pran vakans lakay ou? Sa w fè ak timoun yo?

– Mais il n’y a aucun problème. Ma fille aînée est déjà à l’université. D’ailleurs. j’aime ma chambre, j’aime chez moi. Être avec des choses qui me sont familières. Quand tu pars en vacances en province, ou pi fatige. Le meilleur lieu de vacances, c’est la maison. Ça pour moi, il n’y a pas de photo!

TM : Plat préféré?

– Est-ce que j’en ai un? Ah oui, diri ak lalo! Ayisyen te dwe ekspòte lalo, envahir le monde avec ce produit, parce qu’il mérite d’y goûter. Mon mari est un spécialiste du lalo, il est né à Passe-Reine dans l’Artibonite. Après Livres en folie, on fait un lalo. Je vous invite.

TM : Dessert?

– Je n’aime pas trop le sucre, pour moi le dessert va être une crème glacée ou des fruits.

TM : Vous êtes sportive?

– Oui oui, plus de volonté que d’action (rires). Mais j’aime bien voir les gens jouer au basket-ball. Je n’aime plus le football, ça m’indispose. Cette histoire de Real Madrid et Barcelone, c’est saoulant.

TM : Boisson préférée?

– J’aime bien le whisky. Et la vodka aussi avec du tonic.

TM : En termes de musique, quelle préférence?

– Le jazz. J’ai animé pendant 5 ans une émission de jazz. J’aime beaucoup la chanson. Billy Joel, Leo Férré

TM : Votre chanson préférée?

– Cela dépend du moment. Je peux passer toute une semaine à écouter Hotels California. New York Stade of Mine, de Billy Joel. Ou bien Claude Nougaro, ces temps-ci j’écoute beaucoup le « Coq et la pendule ». Cette musique est très belle. La musique est du jazz, mais les paroles sont extraordinaires.

TM : Chanteur préféré?

– Cela dépend de la langue. Mais le chanteur dont la mort m’a choquée, c’est Michael Jackson. Je trouve que c’est l’horizon indépassable. J’aime Leo Ferré, Claude Nougaro. J’adorais Boulo Valcourt. Mais vraiment, ça dépend des moments.

TM : Pas de groupe préféré?

– J’aime bien le trio de Keith Jarreth. On est encore dans le jazz.

TM : Quel est votre film préféré?

– J’ai beaucoup aimé le patient anglais, purple fiction. Il y en a beaucoup que j’ai aimé. Pour la comédie, c’est Analyse this. Mwen ka gade l plizyè fwa, m ap ri menm jan. Le premier, parce qu’il y en a deux.

TM : Etes-vous du genre café ou thé?

– Café! À fond ! À n’importe quelle heure de la journée. 10 fois par jour, sans sucre heureusement. Je suis fondamentalement café. Café à vie!

TM : Une ville préférée?

– Port-au-Prince. Malgré sa laideur, son insalubrité. J’aime New York aussi, mais ce n’est pas un amour qui dure. Pour une semaine, et c’est tout. J’aime Paris, c’est l’offre culurelle que je trouve grandiose. Genève, Bamako au Mali, mais pas pour longtemps. La ville que j’aime malgré tout, c’est Port-au-Prince.

TM : Est-ce qu’il y a une question qu’on n’a pas posée?

– Euh… Non… On me pose trop de questions déjà! (rires).

En fait, je déteste quand quelqu’un me demande de quoi parle un de mes livres. Genre: « J’ai vu ton livre dans le journal, je vais l’acheter, ça parle de quoi? ». Je trouve que c’est odieux, c’est abominable.

TM : Il y en a une que vous aimeriez qu’on vous pose?

– Oui, mais pas devant la caméra! Sinon, cela va provoquer des polémiques, mais je n’ai pas l’énergie pour y répondre. Mais les affaires vont reprendre, hein. À partir du mois de juillet, à fond la polémique !

TM : Vous êtes invitée d’honneur à Livres en folie, avec quel sentiment recevez-vous cette nouvelle?

– Ben, je me sens très très fière. Parce que être invité d’honneur à Livres en folie, cela témoigne d’un parcours, de toute une œuvre. On ne peut pas être invité d’honneur avec un seul livre. Moi. j’en ai une dizaine que je présente à cette édition. Je partage cet honneur avec Dieudonné Fardin qui est un éditeur qui a marqué toute une génération. Il a toujours mis des livres sur le marché à des prix abordables. il a permis qu’on retrouve des classiques haïtiens, c’est-à-dire des livres utiles. Dieudonné Fardin est le seul qui propose encore des livres de Semexan Rouzier, par exemple. C’est un honeur de partager l’affiche avec lui. Il m’a énormément aidée quand j’étais étudiante à l’École normale car les livres étaient très chers. Et il n’y avait pas encore le décret de 2005 sur les droits d’auteurs. Les 31 mai et 1er juin, deux jours de Livres en folie pour rencontrer des gens, signer des livres. On a la chance de recevoir beaucoup de gens, de discuter et de partager avec eux. C’est un peu ça. Cependant, il y a un risque qui se prend des deux côtés, celui de l’écrivain et du lecteur. Le lecteur risque d’aimer ou non, mais ce sont des risques utiles. Et même si on n’aime pas, on aura l’avantage d’avoir rencontré l’auteur. Donc, je vous attends dans les jardins du Mupanah, les 31 mai et 1er juin. J’espère et je crois que les gens qui vont acheter les livres ne seront pas déçus.