Edwidge Danticat : de Haïti à Miami
Ses livres ont un pouvoir magique. Celui de dévier le chemin des New-Yorkais dans le métro, le peuple le plus pressé au monde. En heure de pointe, une jeune passagère s’approche du lecteur absorbé : “Great book !”, dit-elle dans un clin d’œil, avant de disparaître.
Impossible de surestimer l’influence d’Edwidge Danticat aux Etats-Unis, une des grandes voix de la diaspora haïtienne. Dès son premier roman écrit à 25 ans, elle devenait une star grâce au plus solide des marchepieds : une sélection dans le Book Club d’Oprah Winfrey.
C’était en 1995. Son baby face entouré de tresses contrastait avec ses récits où la mort rôde à chaque page. Les filles haïtiennes y vivent des amours impossibles. Les tontons macoutes, sbires du régime en Ray-Ban et chemises noires, pillent et violent à l’ombre des bougainvilliers, et le sang se mélange à la mer.
Ce matin-là, chez son agent littéraire, Danticat est d’humeur légère, demande des nouvelles de toute l’équipe. Elle retrouve New York, ville de son adolescence, pour une rétrospective de Jonathan Demme, mort au printemps, à la Brooklyn Academy of Music. Facette peu connue du réalisateur du Silence des agneaux : il était un avocat passionné d’Haïti. Danticat a coproduit son documentaire Jean Dominique, the Agronomist (2003) : le portrait d’un créole haïtien directeur de la mythique Radio-Haïti. Un rebelle à la dictature qui fascinait le cinéaste.
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