Quand Jocelyne Dorismé revisite Haïti
Article publié sur Le Nouvelliste le 25/07/17
Une vingtaine d’années après avoir quitté son alma mater, Jocelyne Dorismé, chanteuse engagée établie aux États-Unis d’Amérique, est encore soudée à ses racines. Elle écrit et chante Haïti depuis qu’elle n’y est plus. Petite rencontre avec cette poète-chanteuse, un bout de femme énergique, forte de caractère mais surtout amoureuse de son pays.
Jocelyne vit dans le Connecticut, État du Nord-Est des États-Unis, depuis 20 ans. Elle est revenue en Haïti ce 10 juillet et en a profité pour redécouvir sa mère patrie. Nostalgique, elle s’est rendue à Saut-d’Eau à l’occasion de la fête patronale « Notre Dame du Mont-Carmel ». Là-bas, elle a chanté. Elle a joui de l’ambiance. La veille de son départ, le vendredi 21 juillet, la chanteuse a également organisé un point de presse au restaurant La Réserve à Pétion-Ville où elle a encore fait les délices du public avec ses récitals de poèmes et ses chansons en créole et en français.
C‘est la troisième fois que Jocelyne rentre au pays en vingt ans. Coiffée d’un petit afro, des boucles pendantes aux oreilles, un corsage multicolore et un jeans, elle se présente, toute joviale. Dans un français châtié qu’elle a su garder malgré ses deux décennies dans un pays anglophone, la chanteuse revient sur les plus belles années de sa vie, sans ignorer les jours sombres qu’elle a connus et les mauvais souvenirs qui l’ont emmenée loin de la terre de ses ancêtres. Elle les relate avec sa voix et son cœur.
Jocelyne Dorismé, qui a gardé le nom de sa grand-mère maternelle, est une femme qui parle. Avec vivacité, elle articule ses mots, sans les mâcher. C’est également une femme qui chante. Elle a la musique dans la peau. Toutes les dix minutes, entre deux phrases, elle glisse un refrain. Elle fredonne un morceau puis revient à la conversation.
Partie seule aux États-Unis avec ses trois enfants, la native du Scorpion s’est adonnée à l’écriture dès son arrivée. Elle a écrit un peu de tout. Sa vie, ce qu’elle a vécu. Les sentiments qui la traverse, son pays. « J’écris pour la jeunesse, j’écris pour le changement d’Haïti, mais aussi l’amour », a-t-elle indiqué. « J’ai commencé avec l’écriture, ça n’avait pas vraiment marché. Les messages que je voulais faire passer n’atteignaient point les cibles. De ce fait, j’ai décidé de me lancer dans la chanson », raconte l’artiste qui a déjà sorti trois albums sous la direction de son fils cadet, Jeff Clermont, ingénieur de son. Son premier album « Ayiti, reyalite m se ou » est sorti en 2000. Ensuite, viendront «Yon chans » et « J’attends » sortis respectivement en 2007 et en 2010.
« Je crois que j’ai l’art dans la peau. Toute petite, je dansais à l’église. Je chantais à la chorale des enfants. Au secondaire, c’était un véritable dilemme. J’étais toujours perdue dans mes écrits, distraite. « Je suis née artiste, mais la famille voulait autre chose pour une jeune fille de mon rang, surtout qu’il y avait peu de femmes dans la musique à cette époque-là », regrette la chanteuse, qui a mis en veilleuse ses passions un bon moment pour se consacrer à sa vie de femme mariée.
Ayant grandi au cœur de la musique, la native des Cayes confie avoir hérité l’âme artistique de sa grand-mère. «Grand-Ma était un grand fan de Martha Jean-Claude, elle prenait plaisir à fredonner ses chansons. Il ne se passait pas une heure sans que tu entendes une mélodie rouler sur ses lèvres », confie la dame qui a vécu des jours heureux chez Grand-Ma dans le Sud.
« Eh oui! je garde de très bons souvenirs de mon enfance. Les vacances aux Cayes avec grand-mère étaient tellement réjouissantes. On montait à cheval, on se baignait a la rivière, on se promenait dans les champs, savourait des mangues délicieuses. C’était la belle vie », songe la chanteuse qui confie avoir été une enfant au grand cœur, épanouie, gaie.
Des souvenirs précieux de son pays que Jocelyne a su conserver malgré les années. Son pays, Haïti, le pays qui l’a vu naître. Un pays qu’elle n’a pas voulu quitter. Aujourd’hui, elle aime autant sa mère patrie, mais revenir y habiter n’est toujours pas dans ses plans. « J’aime Haïti, mais les conditions pour lesquelles je suis partie persistent et demeurent », se plaint la chanteuse qui ne rêve que d’une Haïti nouvelle et prospère. Une Haïti dont les fils et les filles ne finiront plus en torchon. Une Haïti où elle pourra vivre et croquer la vie, sans peur ni frayeur.