Un avocat spécialiste des droits humains à Port-au-Prince, en Haïti, subit des menaces et des actes d’intimidation
Contexte
Un avocat spécialiste des droits humains à Port-au-Prince, en Haïti, subit des menaces et des actes d’intimidation depuis le 15 avril, date à laquelle deux hommes ont été arrêtés et battus. L’un d’eux est mort en détention, et cet avocat représente maintenant les deux hommes.
Lettre modèle
Président d’Haïti
Michel Joseph Martelly
Palais National
Rue Magny, Port-au-Prince, Haïti
Monsieur le Président,
En tant que sympathisant-e d’Amnistie internationale, je vous écris, Monsieur le Président, afin d’attirer votre attention sur le cas d’un avocat spécialiste des droits humains à Port-au-Prince, en Haïti. En effet, Maître Patrice Florvilus subit des menaces et des actes d’intimidation depuis le 15 avril, date à laquelle deux de ses clients, Méris Civil et Darlin Lexima, ont été arrêtés et battus violemment. Méris Civil est mort en détention suite à ses blessures. Darlin Lexima, qui a été interpellé en même temps que Méris Civil, a également été battu pendant sa détention policière, mais il a été relâché sans inculpation.
Méris Civil et Darlin Lexima avaient été arrêtés tôt dans la matinée du 15 avril pour avoir participé à une manifestation organisée par les résidents du camp de personnes déplacées où ils vivaient. Ils protestaient contre l’incendie volontaire mis à leur camp et l’indifférence des gardiens de la paix. Alors que plusieurs résidents s’étaient rendus au poste de police de Delmas 33, situé à moins de 100 mètres du camp, pour demander de l’aide, les policiers leur avaient répondu qu’ils n’avaient pas les moyens de réagir.
Au cours de ces derniers jours, Maître Patrice Florvilus, directeur exécutif de l’ONG Défenseurs des Opprimés (DOP), a reçu des informations sérieuses indiquant que sa vie est en danger, parce qu’il représente la famille de Méris Civil et Darlin Lexima.
Je suis très inquièt-e quant à la sécurité de Maître Patrice Florvilus, de Darlin Lexima et de leurs familles. J’appelle donc les autorités à leur fournir une protection efficace, dans le respect de leurs souhaits.
Je vous engage aussi à diligenter sans délai une enquête indépendante sur les menaces et les actes d’intimidation visant ces personnes, ainsi que sur la mort de Méris Civil en garde à vue, et à traduire les responsables présumés en justice.
Enfin, je vous rappelle que vous avez pour obligation de veiller à ce que les défenseurs des droits humains puissent mener leurs activités sans crainte de représailles, conformément à la Déclaration des Nations unies de 1998 sur les défenseurs des droits de l’Homme.
Espérant recevoir une écoute attentive à ma requête, je vous prie, Monsieur le Président, d’agréer l’expression de ma haute considération.
C.c. : Ministre de la Justice et de la Sécurité Jean Renel Sanon, Ministère de la Justice et de la Sécurité Publique, 18 avenue Charles Summer, Port-au-Prince, Haïti ; Son Excellence Frantz Liautaud Ambassadeur, Ambassade de la République d’Haïti, 85 rue Albert, Suite 1110, Ottawa, (Ontario), Canada, K1P 6A4, télécopie : (613) 238-2986
Autres informations
Au cours des derniers jours, Patrice Florvilus, avocat spécialiste des droits humains et directeur exécutif de l’ONG Défenseurs des Opprimés (DOP), a reçu des informations sérieuses indiquant que sa vie est en danger, car il représente la famille de Méris Civil, qui a été arrêté le 15 avril 2013. Passé à tabac, cet homme est mort en garde à vue. Patrice Florvilus représente également Darlin Lexima, qui a été interpellé en même temps que Méris Civil. Celui-ci a également été battu mais il a été relâché sans inculpation.
Le même véhicule de police a suivi la voiture de Patrice Florvilus les 15, 17 et 19 avril. Le 11 mai dernier vers 18 heures, deux hommes se présentant comme des policiers ont barré la route de Darlin Lexima dans la municipalité de Delmas. Ils l’ont averti de ne pas parler publiquement des sévices qui lui avaient été infligés en avril ou de la mort de Méris Civil. Le 7 mai 2013, DOP a tenu une conférence de presse concernant l’homicide de ce dernier. Au cours de ces derniers jours, Patrice Florvilus a reçu des informations sérieuses indiquant que sa vie était en danger.
Méris Civil et Darlin Lexima ont été arrêtés tôt dans la matinée du 15 avril pour avoir participé à une manifestation organisée par les résidents du camp de personnes déplacées où ils vivaient. Pour en savoir plus, reportez-vous à l’AU 98/13 (http://www.amnesty.org/fr/library/info/AMR36/008/2013/fr [8]).
COMPLEMENT D’INFORMATION
Le 15 avril dernier, vers 2 heures du matin, plusieurs hommes à moto ont tiré sur sept tentes dans le camp de personnes déplacées d’Acra et Adoquin Delmas 33, situé dans la municipalité de Delmas à Port-au-Prince, dans le but de mettre le feu au camp. Plusieurs résidents se sont rendus au poste de police de Delmas 33, situé à moins de 100 mètres du camp, pour demander de l’aide, mais les policiers leur ont répondu qu’ils n’avaient pas les moyens de réagir. Par la suite, plusieurs habitants ont bloqué la route entre le camp et le poste de police pour protester contre l’incendie volontaire et l’indifférence des gardiens de la paix. Selon des témoins, plusieurs policiers de ce même poste ont arrêté deux des manifestants, dont Méris Civil, qu’ils ont battu si violemment que celui-ci a succombé à ses blessures en garde à vue. Le second manifestant, Darlin Lexima, a été relâché sans inculpation l’après-midi suivant. Il a expliqué à la délégation d’Amnistie internationale qu’il avait été battu en détention policière. Plusieurs témoins, dont cet homme, ont affirmé que Méris Civil était déjà mort lorsqu’on l’a emmené à l’hôpital plus tard dans la matinée du 15 avril.
Deux jours auparavant, un homme affirmant posséder une partie des terrains sur lesquels le camp Acra et Adoquin Delmas 33 a été installé s’est rendu sur place, accompagné d’un juge de paix et de cinq policiers. Il a annoncé aux résidents qu’ils devraient partir et qu’il utiliserait « tous les moyens nécessaires » à cette fin.
Défenseurs des Opprimés est une ONG qui fournit des conseils et une représentation juridiques aux personnes victimes d’atteintes à leurs droits humains. Depuis le séisme du 12 janvier 2010, cette organisation a représenté plusieurs individus vivant dans des camps de personnes déplacées et risquant d’être expulsés.
Cette catastrophe a fait plus de 200 000 morts et quelque 2,3 millions de sans-domicile, qui n’ont eu d’autre choix que de construire des abris là où ils pouvaient. Trois ans plus tard, on estime que 320 000 personnes vivent encore dans des camps de fortune, dont près d’un quart sont sous la menace d’une expulsion forcée. Les incendies volontaires provoqués dans les camps de personnes déplacées constituent une stratégie de plus en plus courante pour forcer les familles à quitter les terrains sur lesquelles elles sont installées. Tôt dans la matinée du 16 février dernier, le camp Acra 1, dans la municipalité de Pétion-Ville, a été détruit dans un incendie déclenché par des hommes armés. Plusieurs centaines de familles ont dû fuir et se sont retrouvées une fois de plus à la rue.