Haïti-Reconstruction : Plaidoyer en France pour un partenariat axé sur l’information et les actions en synergie

Compte-rendu du Garr sur les troisièmes rencontres de solidarité les 12 et 13 novembre à Toulouse

‘’Passer de l’assistanat pour évoluer vers un partenariat efficace respectueux de la dignité des partenaires haïtiens’’ : telle a été la toile de fond des « 3e rencontres nationales des acteurs de la solidarité avec Haïti », organisées en France les 12 et 13 novembre 2010 sous le thème « Des projets et des Hommes pour un partenariat constructif en Haïti ».

C’est dans le décor verdoyant de l’Inéopôle du Centre de formation de Brens/Gaillac – où l’on forme des spécialistes sur les questions rurales – que se sont tenues ces assises dans la petite municipalité de Brens près de Gaillac, à côté de Toulouse dans le Département du Tarn, région de Midi Pyrénées.

Ces rencontres ont rassemblé des associations françaises de solidarité avec Haïti, des associations haïtiennes de la diaspora, des associations franco-haïtiennes et des invités venus d’organisations haïtiennes établies en Haïti, en Guadeloupe et en Guyane, sous les auspices du Collectif Haïti de France (Chf) qui rassemble plus d’une centaine d’associations françaises et franco-haïtiennes.

Des organisations non gouvernementales (Ong) françaises, comme Médecins du Monde France et Électriciens sans frontière, étaient également présents pour soutenir cette manifestation.

Pendant deux jours, Haïtiens de la diaspora, amis solidaires français et haïtiens venus d’Haïti, ont discuté de meilleures pratiques à adopter pour renforcer et rendre plus efficace le partenariat entre ces organisations et leurs partenaires en Haïti.

La matinée du vendredi 12 novembre 2010 a été consacrée à un état des lieux de la situation en Haïti dans le contexte de reconstruction post-séisme du 12 janvier 2010.

Trois orateurs/trices ont pris la parole sur les orientations de la reconstruction.

Patrick Camille du Garr est intervenu sur le sujet en partant du point de vue des organisations sociales haïtiennes et des personnes déplacées qui ont été ignorées à toutes les phases du processus d’élaboration et de mise en œuvre du plan de reconstruction, en ce sens qu’il a été conçu, préparé, présenté et exécuté sans consultation.

Au niveau de la mise en œuvre, non seulement la souveraineté nationale en est sortie bafouée, mais encore ce plan n’a jamais été soumis, de façon formelle, au peuple haïtien, dans la mesure où les deux rencontres officielles de présentation de ce plan se sont déroulées à Santo Domingo (République Dominicaine), les 16 et 17 mars, et à New-York le 31 mars 2010.

Aujourd’hui encore, la population haïtienne est maintenue dans l’ignorance la plus complète de ce qui se passe, a également soutenu le responsable de la section « droits humains et migration » au Garr.

Après chaque rencontre de la commission intérimaire pour la reconstruction d’Haïti (Cirh), on annonce l’approbation d’un lot de projets sans informer ni expliquer à la population quels sont les objectifs de ces projets ? Quels en sont les contenus ? Quels sont les moyens de mise en œuvre de ces projets ? Quels sont les modes et les structures de leur gestion et de leur exécution ? Au bénéfice de qui ces projets seront réalisés ? Sur le site du Cirh, on ne voit que les titres, les montants et les secteurs d’activités.

10 mois après le séisme, nous sommes toujours dans la phase d’urgence, a rappelé Camille. Enfin, il croit que

Face au désintérêt manifeste et l’irresponsabilité des dirigeants haïtiens, beaucoup plus occupés dans les questions politiques et politiciennes, la diaspora haïtienne, les acteurs de la solidarité avec Haïti partout dans le monde et les secteurs progressistes haïtiens ont une responsabilité historique de se convertir en force de propositions, en définissant une stratégie de rassemblement capable de s’opposer aux agendas et aux projets qui ne conduiront nullement au développement réel d’Haïti, ni à la fin des inégalités, ni à l’exclusion séculaire dont est victime la majorité de la population, suggère Camille.

Elom Ezuho du Centre de recherche et de formation économique et sociale pour le développement (Cresfed) a centré son intervention sur les collectivités territoriales.

Les mairies et les conseils d’administration de sections communales (Casec) auraient pu agir plus efficacement s’ils en avaient les moyens, si l’État haïtien avait appliqué les prescrits de la Constitution de 1987 en matière de gestion des collectivités territoriales et si ces dernières jouissaient de l’autonomie administrative, économique et politique nécessaires à leur action, a souligné Ezuho.

Dans les premiers jours ayant suivi le séisme, certaines collectivités territoriales s’étaient mobilisées, avec leurs faibles moyens et sans l’aide de l’État central, pour porter secours aux personnes victimes en attendant l’arrivée de l’aide internationale, a évoqué le représentant du Cresfed.

Certaines municipalités de zones éloignées de Port-au-Prince ont organisé des actions de mobilisation pour envoyer des bus et des camions chercher les victimes originaires de leur collectivité. Les municipalités de la région des Palmes (Léogane, Grand-Goâve et Petit-Goâve) ont unis leurs forces pour donner des réponses conjointes à la situation.

Madame Maryse Ambroise, ministre conseillère à l’ambassade d’Haïti à Paris, a exposé quelques réalisations des autorités gouvernementales (maintien de la stabilisation de la gourde par rapport au dollar, la reprise de la production nationale, la fourniture de l’aide humanitaire en coopération avec la communauté internationale, etc..), tout en rappelant que le gouvernement a dû faire face, non seulement au tremblement de terre dont bon nombre de ses membres ont été victimes, mais aussi à d’autres défis tels que le choléra et la tempête Tomas.

L’après-midi du 12 et la matinée du 13 novembre ont été consacrés à des ateliers sur les bonnes pratiques à adopter pour développer un partenariat qui dépasse les relations traditionnelles (fondées sur l’assistanat) des associations françaises et franco-haïtiennes avec Haïti, en vue d’inscrire les actions dans le long terme à travers des projets élaborés conjointement, qui répondent aux besoins identifiés par la population et les partenaires venus d’Haïti.

Pour ce faire, ils ont pris quatre (4) projets comme cas d’étude à travailler en atelier en vue d’identifier ces bonnes pratiques.

Le premier porte sur le développement, sur des activités génératrices de revenus pour les personnes déplacées dans la commune de Limbé (Nord d’Haïti) ; le deuxième sur un projet de transformation des déchets à Cité Soleil (grande agglomération populaire dans la périphérie nord de la capitale Port-au-Prince) ; le troisième sur l’électrification de 5 quartiers de la Plaine du Nord et le dernier sur la rénovation et l’agrandissement d’une bibliothèque scolaire à Christ Roi (quartier de Port-au-Prince).

Ces projets, pour la plupart en phase de recherche de financement, ont servi de base pour les discussions sur les bonnes pratiques, à adopter par les associations membres du Collectif, dans leurs relations futures avec les partenaires haïtiens.

Des points communs sont ressortis dans les travaux en atelier, comme l’étude du contexte, la prise en compte et la vérification des besoins de la population, au lieu de décider les projets depuis la France, une meilleure connaissance du partenaire haïtien, la formalisation des relations avec les partenaires, le renforcement et l’accompagnement des associations partenaires, l’apprentissage mutuel, l’inscription des actions dans le long terme au lieu d’aides ponctuelles.

Le troisième moment fort a consisté en une plénière, au cours de laquelle les résultats des travaux en ateliers ont été proposés, suivis de trois présentations faites par des représentants de collectivités territoriales en France (Le Conseil Général de Midi Pyrénées et celui de l’Essom) et la Fondation de France, considérées comme de potentiels bailleurs sur les possibilités de financement disponibles pour la coopération décentralisée, en particulier avec Haïti.

Les participantes et participants sont sortis renforcés et contents de ces échanges, surtout les compatriotes haïtiens qui affirment ne pas se sentir seuls dans le travail pour reconstruire le pays et la lutte pour le respect des droits humains.

Ils se sont promis mutuellement plus de partage d’information et plus de travail en synergie.

La soirée s’est terminée par un événement majeur : la chorale ‘’cœur qui bat’’, une chorale française (sans aucun Haïtien parmi les choristes), qui a offert un concert avec des chansons créoles, tirées du répertoire de la grande chorale nationale d’Haïti, telles Ayiti cheri, fèy, Papa loko.

Un spectacle époustouflant, une prestation sans faute exécutée avec brio et qui a créé l’émotion dans l’assistance haïtienne !

Des pleurs, des larmes de joie, mots de remerciement et de félicitations ont clôturé cet inoubliable événement, et la soirée s’est terminée par un bal organisé par les étudiants haïtiens de Toulouse.

Patrick Camille