Présentation de la FIDH et du RNDDH à l’Occasion de la Soumission
du Rapport de l’Expert Indépendant aux Droits de l’Homme
sur Haïti  au Conseil des Droits de l’Homme

 

Monsieur le Président,

La Fédération Internationale des Ligues des Droits de l’Homme (FIDH) et le Réseau National de Défense des Droits Humains (RNDDH) et sont heureux de l’opportunité qui leur est offerte de prendre part à ces assises en vue de présenter sommairement la situation générale des droits humains en Haïti.

Depuis 2006, le pays connait une certaine stabilité politique. Des institutions démocratiques ont été mises en place. Cependant, la situation générale des droits de l’homme demeure une source de préoccupations constantes. En effet, contrairement aux années antérieures, l’Etat haïtien n’est pas directement impliqué dans la violation des droits civils et politiques. Les droits de voter, de se porter candidat, les libertés d’expression, d’association et d’adhésion à un parti politique ne sont pas systématiquement violés. Cependant, l’octroi d’une pièce d’identification reste un défi à relever par l’Etat haïtien car 25 à 30 % de la population n’est pas légalement enregistrée. Conséquemment, au cours des joutes électorales, nombreux sont ceux qui, en âge de voter, ne participent pas aux élections, faute de document identitaire.

Le Conseil Electoral Provisoire a consenti des efforts considérables pour la réalisation du scrutin du 19 avril 2009 pour le renouvellement des postes vacants au Sénat de la République. Cependant, des violences ont été enregistrées au jour du scrutin portant le Conseil à annuler le vote dans certaines régions du pays. De plus, plusieurs candidats recherchés par la Police Nationale d’Haïti ou décriés par la clameur publique en raison de leur passé douteux se sont inscrits dans la course électorale.

La Police Nationale d’Haïti et la Mission des Nation-unies pour la Stabilisation en Haïti ont consenti d’énormes efforts pour arrêter des chefs de gangs armés. Ces efforts ont été mis à rude épreuve par l’appareil judiciaire qui, en 2007 et 2008, a procédé à la libération de nombreux individus non encore jugés. De plus, la situation sécuritaire du pays reste fragile compte tenu de la faiblesse des institutions étatiques, de la corruption et de l’impunité qui s’érigent en système dans le pays. Parallèlement, le processus de certification des agents de la Police Nationale d’Haïti n’a jusqu’à date, pas donné les résultats escomptés.

L’office de protection du citoyen (OPC) ne remplit pas les missions pour lesquelles il a été créé. Cependant, l’élaboration du projet de loi sur les missions de l’OPC avec le soutien du haut commissariat des Nations-Unies aux droits de l’Homme constitue un pas positif vers le fonctionnement effectif de cette institution.

Le pays compte 17 prisons qui, ajoutées à des commissariats transformés en prisons dans certaines villes de province, gardent les personnes privées de liberté dans des conditions lamentables. Les cellules sont surencombrées, soumettant ainsi la population carcérale à un traitement cruel, inhumain et dégradant, tel que relaté par l’expert indépendant, au paragraphe 58 de son rapport. Sur 8394 incarcérés jusqu’au 15 avril 2009, 78% sont en attente de jugement. Les mineurs en conflit avec la Loi sont incarcérés, en dépit de la législation haïtienne renforcée par la Convention relative aux Droits de l’Enfant qui soustrait ces derniers des prisons pour les placer dans des centres de rééducation, inexistants en Haïti. A ce sujet, une politique de l’autruche est pratiquée par les magistrats pour mineurs qui condamnent ces derniers à être gardés dans un centre de rééducation même en sachant qu’ils seront conduits en prison et soumis au même régime pénitentiaire dénoncé plus haut.

Les juges ne sont soumis à aucun contrôle et travaillent selon un horaire fantaisiste. Parallèlement, si dans le cadre de la réforme judiciaire, 3 lois ont été adoptées en 2007, leur mise en application, pour l’érection du Conseil Supérieur du Pouvoir Judiciaire (CSPJ), du Conseil d’Administration de l’Ecole de la Magistrature ainsi que la règlementation du Statut de la Magistrature, se fait encore attendre, comme il en est fait état aux paragraphes 17, 18, 19 et 20 du rapport de l’expert indépendant. Si les appels à candidature pour le poste de président de la Cour de Cassation ont été lancés et si plusieurs magistrats dans le système ont manifesté leur intérêt pour le poste, à date, aucune suite favorable n’y est donnée.

Les hôpitaux et les centres de santé fonctionnent dans un désordre systématisé. Les arrêts de travail pour réclamer de meilleures conditions de travail débouchent souvent sur la mort de nombreux patients. Les laboratoires médicaux et les pharmacies ne sont soumis à aucun contrôle et la vente des médicaments dans les rues par des particuliers ambulants expose la population à des risques énormes.

Le droit à l’éducation n’est pas protégé. Les bâtiments scolaires échappent totalement au contrôle de l’Etat. L’exemple le plus frappant est l’effondrement d’une école privée en novembre 2008, occasionnant la mort de plus de 90 jeunes.

Fort de tout ce qui précède, la FIDH et le RNDDH recommandent au Conseil des Droits de l’Homme, de porter l’Etat haïtien à :

· Prendre des mesures en vue d’enregistrer tous les citoyens haïtiens ;

· Donner suite tant aux rapports qui ont été rédigés par la commission de vetting qu’au processus de certification des agents de la PNH ;

· Se pencher sur les problèmes de la détention préventive prolongée et des conditions difficiles de détention ;

· Porter l’Etat à soustraire les mineurs des prisons pour les placer dans des centres de rééducation ;

· Mettre en application les lois qui ont été votées dans le cadre de la réforme de la justice ; Mettre en œuvre une approche systémique en matière des droits humains, tel que prévu par la Déclaration de Viennes, consacrant l’indivisibilité et l’interdépendance des droits humains ;

· Enfin, la FIDH et le RNDDH recommandent vivement le renouvellement du mandat de l’expert indépendant aux droits humains sur Haïti, Michel Forst.

Merci, Monsieur le Président.