Assemblée générale du Collectif Haïti de France
19 mars 2005

Quels partenariats pour Haïti ?


Transcription des interventions

Les intervenants :
• Romel Louis-Jacques – Plate-forme des Associations Franco-Haïtiennes
(PAFHA)
• Alain Raymond – Association Française des Volontaires du Progrès
(AFVP) et Comité de suivi de la commission mixte
• Jean Fressoz – Conseiller général de Savoie

• Michèle Babinet – Modératrice – Collectif Haïti de France

1 – Romel Louis Jacques

Michèle Babinet :
Romel Louis-Jacques a participé à la Conférence des Diasporas Haïtiennes organisée à Montréal en décembre 2004.
1. A l’issue de ces rencontres de Montréal quel est le rôle des diasporas dans d’autres pays que la France ?
2. Les différentes associations membres de la Pafha soutiennent des actions de développement local en Haïti. Quels sont les types de partenariats avec Haïti ?
3. Quelle participation la Pafha a-t-elle avec le CHF, la Commission mixte ou d’autres associations ?

Romel Louis-Jacques :
L’invitation à la conférence de Montréal a été faite à l’AHDEL par la FOCAL (Fondation Canadienne pour les Amériques). C’est une réflexion sur comment inscrire la diaspora dans la dynamique du CCI plus qu’une conférence sur la diaspora haïtienne elle-même.
La diaspora montréalaise est reconnue, c’est un vrai interlocuteur et partenaire des autorités canadiennes. Il y a un véritable soutien financier et logistique vers les organisations haïtiennes : l’implication des jeunes haïtiens de la 2e, 3e, et même de la 4e génération est très importante. C’est une diaspora très ancienne et très active dans le milieu associatif.
Ce qui n’est pas le cas ici. On voit rarement les jeunes haïtiens !
Les organisations de la diaspora canadienne que j’ai rencontrées semblent très professionnelles, très bien organisées, leur budget est important. Au niveau gouvernemental et institutionnel, ce n’est pas le même contexte qu’en
France. Au Canada, il y a une véritable approche des communautés et de leur intégration macroéconomique et elles sont considérées comme telles. Ici il faut se fondre dans la masse. C’est aussi ça, d’une façon générale, qui explique les grosses différences entre nos communautés (si on peut employer ce mot) ici et là bas.
Plusieurs associations essayent ici de mener des projets dans divers domaines comme l’éducation, la santé et l’environnement. Il y a de bons résultats mais également beaucoup d’échecs pour des raisons liées à l’organisation même des associations en France. Ce ne sont pas des professionnelles du développement, ce sont des gens qui agissent plus par charité citoyenne qu’en tant qu’acteur du développement, c’est à dire en suivant les règles que vous connaissez. Celle de base, c’est qu’on ne décide pas à la place des autres mais on essaie d’avoir accès à leur demande. Il en résulte que beaucoup de projets partant de bonnes intentions se voient, des années, voire quelques mois après leur mise en oeuvre, complètement abandonnés.
Il y a un manque de professionnalisme, ce manque de maîtrise du milieu associatif, du fonctionnement d’une association. L’absence d’ouverture vers les acteurs institutionnels en France qui pourraient apporter une expérience. Ce cloisonnement fait que les associations ont du mal à conduire ou à bien définir les projets, voire à les financer à l’origine.
La Pafha essaie de créer du lien et à faire de la restitution car beaucoup de gens veulent surtout changer Haïti alors que nous qui sommes ici nous ne nous connaissons pas assez, nous ne prenons pas le temps de discuter ensemble. Lorsque nous discutons sur un projet, cela reste technique et manque de sens.
Le contexte est très difficile d’autant plus que la coopération française, avec les problèmes de rigueur budgétaire, va se réduire de plus en plus vers Haïti.
Il faut se recentrer sur une dimension de la relation plus humaine entre les acteurs pour éviter de se décourager. Se recentrer sur des pratiques de réflexion, de partage des échecs et des points positifs, nous semble aujourd’hui essentiel.
La Pafha n’apporte pas une aide mais essaie de se faire rencontrer les gens et de les amener à une réflexion comme préalable à toute action. Les Haïtiens ont besoin de se prendre plus en main. Nous sommes, depuis quelques temps, pratiquement à l’écart même de la manière dont nous devons nous penser.
Personnellement je suis Haïtien en France et je ne sais pas comment me penser aujourd’hui. C’est un problème de psychanalyse énorme ! (rires dans la salle) mais qui, me semble-t-il, devrait être soulevé.
Je ne sais pas me penser par rapport à une position simple : il paraît que je suis d’un peuple fier qui a fait la première révolution victorieuse, qui a su donner un sens à 1789 pour avoir étendu ses valeurs au monde noir. Je ne sais pas comment me situer par rapport à ce poids de l’Histoire qui se transforme en revers aujourd’hui. Ce poids de l’Histoire est exceptionnel par rapport à ce présent et, pire encore ! à cet avenir dont je ne vois pas du tout la configuration.
Le Collectif Haïti de France fait partie des associations qui ont participé à la mise ne place de la Pafha. Il y a un entraînement vers l’ouverture, à sortir de l’enfermement et du nombrilisme haïtiano-haïtien. Je ne sais pas si c’est nous qui le choisissons ou si c’est le système qui nous accule à cette posture. Beaucoup d’Haïtiens sont invités à cette assemblée générale et pourtant nous sommes encore sous représentés. Dès qu’il s’agit de discuter de projets ou d’idées qui peuvent nous aider à construire, nous avons beaucoup de mal à rassembler, par contre avec un débat politique ou des sujets qui ne font pas avancer nous sommes nombreux.
Il y a aussi le Forim qui est une instance de représentation des différentes associations de la diaspora en France. C’est une émanation du ministère des affaires étrangères de l’ancien gouvernement. Les objectifs vont dans le sens de la reconnaissance du rôle de la diaspora ou des migrants comme acteurs de développement dans leur pays d’origine. Les restrictions budgétaires font que les financements traînent un peu. Résultat : cette organisation a du mal à prendre son envol et jouer le rôle qui lui revient.

2- Alain Raymond

Michèle Babinet :
Alain Raymond (AFVP) a vécu 5 ans en Haïti et est le chef de file du Comité de suivi non gouvernemental de l’ex Commission mixte Franco-Haïtienne.
1. Comment vois-tu, pour les années à venir, l’évolution de la coopération avec Haïti tant au niveau de l’État français que des ONG françaises ?
2. Faute de financements par le ministère des affaires étrangères, la fin du Comité de suivi de la Commission mixte est programmée. Devant la disparition de ce lieu de rencontre et de travail, que penses-tu du processus en cours pour que continue à vivre ce groupe de concertation autour d’Haïti et quel rôle pourrait-il jouer avec la Coordination Europe-Haïti ?

Alain Raymond :
Le monde non gouvernemental s’est ouvert sur Haïti dans les années 70 avec la présence de la Caritas (le Secours catholique français) et, avec les missions catholiques, les pères bretons et autres missions de Droits de l’Homme beaucoup plus discrètes et ponctuelles.
Il y a eu, à partir des années de façade de libéralisation imposées par Jimmy Carter à Jean-Claude Duvalier, la signature des premiers accords de coopération franco-haïtiens d’État à État. Cette convention est toujours en vigueur, elle porte la signature de J-C. Duvalier et son contenu n’a pas changé. Cela a créé une ouverture pour que les ONG françaises travaillant habituellement en Afrique subsaharienne (FDH, CCFD, AFVP et Scouts de
France) s’intéressent un peu à Haïti.
Au départ de J-C. Duvalier il y a eu un grand boum des organisations françaises. Cette bouffée d’oxygène a permis à ce que des initiatives haïtiennes discrètes, souvent courageuses et de bonne qualité, qui étaient en réseau mais assez souterraines, attirent le regard et l’intérêt pour que ceux qui sont mobilisés sur la solidarité puissent venir les accompagner.
Donc, après le départ de Duvalier, de très nombreuses associations françaises et plus largement européennes (les américaines étant là depuis de longue date), viennent en Haïti. Cela a correspondu à un besoin de plus en plus partagé d’une meilleure concertation entre l’Etat français et les associations de solidarité internationale. Pendant longtemps les choses ont été cloisonnées : les affaires étrangères étaient souvent étranges et les organisations non gouvernementales étaient souvent antigouvernementales.
Des espaces se sont créés, notamment la Commission Coopération Développement
(CCD ou Cocodev) qui existe toujours. C’était un lieu où l’Etat livrait sous forme thématique ou géographique des interrogations au monde associatif.
Cette relation a fait naître le besoin de s’intéresser à ce que faisait l’État en matière de coopération, c’est à dire à la politique publique de notre pays. Cela a pris un peu de temps et à la faveur d’un changement de gouvernement et des échos plus importants parmi les responsables politiques et associatifs.
Un des leaders qui a permis de faire avancer les choses c’est M. Bernard
Dumont, du Groupement des Retraités Éducateurs sans Frontières (GREF) qui travaille actuellement à la Grande Anse, en Haïti. Il est à l’origine du secrétariat technique des commissions mixtes piloté à trois (Coordination Sud, l’Assemblée des Départements de France et Cités Unies France) qui avait pour vocation de préparer dans un premier temps les rencontres officielles entre les États avec lesquels la France mettait en oeuvre des accords de coopération.
Pour Haïti, les accords de financement de programmes ou de projets démarrent dans les années 70 et la première participation des associations françaises remonte à 1986. C’était un petit groupe composé par la Cimade, le CCFD, FDH et les VP. Côté haïtien, c’était les associations partenaires du groupe de pilotage dont Haïti Solidarité Internationale (HSI), le Service Œcuménique d’Entraide (SOE), et bien d’autres.
Le gouvernement haïtien de l’époque n’a pas bien vu une certaine imposition par l’État français de voir impliquer les associations haïtiennes dans la politique publique étrangère haïtienne et il y a eu quelques difficultés de mise en oeuvre. Finalement, et grâce à des complicités qui arrivent toujours à se faire, les grandes organisations françaises et haïtiennes ont fait un texte qui a été annexé au procès verbal de la Commission mixte. C’est devenu un document officiel qui s’imposait à nous et aussi aux deux gouvernements, au moins comme une référence, puisqu’il n’y avait pas de projets liés.
C’était un document de recommandations et de propositions que nos organisations voulaient voir figurer dans cette coopération franco-haïtienne.
Il n’y a pas eu d’autre réunion de Commission mixte mais cela a marqué une étape importante et une dynamique a été créée en France et en Haïti.
Pourquoi ne pas s’organiser pour suivre les travaux de cette commission et les engagements franco-haïtiens ? Un groupe s’est formé, ouvert à toutes les associations s’intéressant à Haïti.
Haïti Solidarité Internationale (HSI) en Haïti, avec d’autres, a essayé de structurer ce qui restait d’Inter-OPD autour de l’un des collectifs haïtiens qui avait fait un excellent travail pendant la phase de transition démocratique. Cela a duré jusqu’à la période du coup d’État et d’embargo et, au delà de faire du suivi, notre groupe n’a pu resté indifférent à ce qui s’est passé et aux réactions de la communauté internationale. Nous avons une responsabilité d’interpellation de nos dirigeants en France et en Europe pour faire connaître nos positions. Mais, vu la diversité du groupe et l’ouverture que l’on avait souhaitée, ce n’était pas facile et il était important pour nous de rester dans le domaine de la solidarité et de la coopération.
La première position que nous avons eue à prendre en direction du ministre des affaires étrangères de l’époque (M. Hubert Védrine) et du commissaire européen en charge du développement a concerné la mesure d’application de l’embargo. Il nous a semblé qu’elle avait été appliquée de manière massive, aveugle, inopportune et inadaptée à la situation haïtienne. Cette mesure risquait de faire survenir des aspects négatifs sur le long terme comme faire apparaître des secteurs marquants antidémocratiques ou des commerces illicites.
Ceci a permis à ce que notre groupe intègre un peu plus l’aspect « analyse critique » et pas seulement « recherche et échange d’informations » à la fois des politiques publiques et dans nos pratiques de partenariat avec des organisations haïtiennes.
Mais la durée est là ! Nous sommes en 2005 et des organisations ici et là bas travaillent ensemble tant bien que mal avec des échecs et des succès depuis plus de 30 ans. On peut prendre un peu de distance et regarder derrière soi, voir ce qui a été semé et ce qui a poussé. Ce qui a poussé n’est pas forcément ce que nous avons semé… Près de 60 organisations, de part et d’autre, continuent cette action y compris dans les départements français d’Amérique (DFA)
Nous nous sommes rapproché aussi des collectivités territoriales françaises, qui avaient engagé, comme le Conseil général de Savoie, des actions de coopération décentralisée en Haïti et de l’organisation fédératrice Cités Unies France, pour échanger dans un respect mutuel afin que naissent des collaborations et des partenariats.

Michèle Babinet : Sans financements quel est l’avenir de ce comité de suivi
?
Alain Raymond : Les trois pilotes (Coordination Sud, l’Assemblée des
Départements de France et Cités Unies France) ont décidé de ne pas se bagarrer pour que le financement du ministère des affaires étrangères puisse continuer et pour suivre cette affaire là. Ces trois organisations, dans un budget restreint, ont mis en priorité également d’autres secteurs géographiques.
Nous avons voulu transformer cette décision en opportunité. Après plus de 12 ans de fonctionnement et d’évolution, les principes fondamentaux du groupe restent les mêmes. Il est devenu intéressant de réfléchir entre nous à élargir l’espace et de recentrer sur d’autres problèmes avec une dimension européenne éventuellement et une ouverture plus importante sur l’Amérique latine. Ceci correspondant plus, finalement, au monde associatif haïtien dans sa restructuration après la disparition d’Inter OPD et l’essoufflement de HSI.
L’année du bicentenaire a été l’occasion de mile initiatives, et une parmi d’autres, a été de créer la Coordination Europe-Haïti (CoEH) pour faire du lobbying auprès des décideurs pour que Haïti ne soit pas oublié. Pas seulement fêter la dimension historique et universelle puisque ‘indépendance d’Haïti appartient à l’histoire de l’humanité, mais également e dire qu’il y a un Haïti présent et un Haïti futur et que vous, décideurs, ous avez des responsabilités.
Sur l’initiative du CCFD et du CHF et d’autres associations belges et ollandaises cette coordination a eu lieu et est entrée en relation avec les rganisations en Haïti. Une cinquantaine d’entre elles s’est mobilisée et une délégation est même venue en fin d’année en Europe. Le texte « Une autre Haïti est possible », rédigé par les partenaires haïtiens a été présenté par cette délégation aux responsables européens.
Dans le cadre du lobbying, ce texte a fait l’objet d’une promotion aux groupes politiques UMP et PS du Sénat et de l’Assemblée nationale, au groupe d’amitié France-Haïti, aussi au Cabinet du ministre des affaires étrangères et aux collectivités locales. Un texte de propositions a également été rédigé et envoyé au ministre des affaires étrangères, M. Barnier, à l’occasion de la réunion qu’il a organisée à Cayenne. 2004 a été l’année de l’annonce de la mort du groupe de suivi de la commission mixte et aussi celle de la naissance de la Commission
Europe-Haïti. Un des aspects important pour nous c’est la diversité des associations et l’ouverture au monde des collectivités.
Nous devons être respectueux de ce qui se fait par les collectivités localeset être en mesure de recevoir ce que nous sommes incapables de faire. La décentralisation se mettra en place et ouvrira un champ de coopération où les collectivités doivent se placer en leader. Et les choses se feront en bonne intelligence en elles et nous.

3- Jean Fressoz

Michèle Babinet :
Jean Fressoz, est conseiller général de Savoie et président de l’association « Pays de Savoie solidaires » et, à ce titre, responsable de la coopération entre les deux Savoie et la commune de Dessalines en Haïti. La Ville de Strasbourg, la Savoie et la Ville de Suresnes ont monté ensemble un projet de formation pour la gestion des ordures ménagères en Haïti.
1. Quelle est la forme de la coopération avec Dessalines ?
2. Quelle est votre expérience de coopération décentralisée en Haïti ?
3. Quelles pourraient être les perspectives d’avenir de coopération ?

Jean Fressoz :
Le Département de la Savoie a initié la coopération décentralisée bien avant que la loi ne l’autorise puisque nous avons démarré, avec M. Barnier, des actions de coopération en 1985 alors que la loi n’a permis aux collectivités locales d’intervenir qu’en 1992. Nous avons des coopérations au Sénégal, en Haïti et en Roumanie.
L’Assemblée des Pays de Savoie (Savoie et Haute-Savoie) a confié la coopération décentralisée à l’association « Pays de Savoie solidaires »
Au fil du temps se sont ajoutés quatre autres pays : la Tunisie, Madagascar, l’Argentine et la Russie, mais dans des formes différentes de ce que nous conduisons en Haïti depuis 1986.
Les événements qui se sont déroulés en Haïti nous ont amené à nous mettre en sommeil pendant de longues années. Mais la fidélité des Savoyards ne s’est jamais dissipée.
La commune de Dessalines et ces 6 sections rurales font partie de l’ensemble de notre partenariat. Nous avons organisé en janvier 2004 une quinzaine culturelle et à Chambéry roule un tap-tap décoré comme ceux de Port au
Prince.
La coopération décentralisée résulte d’un partenariat de collectivité locale à collectivité locale dans le cadre des compétences des collectivités locales françaises. Le partenariat est défini par une convention signée entre le Conseil général de Savoie -l’Assemblée des Pays de Savoie- et la commune de Dessalines. C’est aussi un appui aux élus locaux pour les accompagner dans le développement de leur commune. Nous sommes de moins en moins en intervention directe mais de plus en plus en soutien à des programmes de développement définis par le responsable de la commune. Nous ne décidons pas à leur place mais nous sommes là pour conseiller et soutenir. Pour décentraliser, il faut d’abord qu’il y ait un État et un État fort. Ce qui n’est pas le cas en Haïti. Je suis convaincu qu’un des remparts contre des intentions totalitaires ou dictatoriales est la force que pourraient avoir les collectivités à travers leurs élus.
Nous travaillons avec le partenaire local qui est le conseil municipal ou les représentants des municipalités et également avec l’appui de la société civile. C’est l’Association pour le Développement Intégré de la COmmune de
Dessalines (l’ADICOD) qui regroupe les forces vives de cette localité.
C’est la collectivité locale ou la commune, la société civile -à qui il faut donner sa place si l’on veut croire à un développement- et le partenaire (ici savoyard) qui compose le trinôme et qui fait fonctionner cette organisation de coopération décentralisée dans chaque pays où nous avons des correspondants et des appuis qui nous représentent et nous accompagnent. Il n’y a pas d’expatriés, ce sont des Haïtiens ! Et quelquefois c’est porteur.
Jusqu’en 2004, le maire de Dessalines, Frédéric Derilus, le correspondant de la Savoie, a été le seul maire indépendant élu aux dernières élections municipales. A travers cette « promotion » c’est aussi la reconnaissance de l’action que pouvait conduire un partenariat comme le nôtre. Par rapport aux élus que nous accompagnons c’est une manière de les « valoriser » aux yeux de la population.
La coopération décentralisée se passe au niveau des collectivités locales et le fait d’être un élu local et de parler à un élu local est peut-être une richesse. Nous avons la particularité d’être en capacité d’apporter un soutien spécifique à une collectivité locale parce que nous sommes des élus locaux. La population civile est intéressée par ce genre d’échange.
Nous sommes complémentaires des actions engagées par les organisations de solidarité internationale comme par les actions d’intervention bilatérales.
Par exemple, nous avons proposé de relancer les rentrées fiscales dans la commune. C’est quand même une manière particulière d’intervenir ! C’est par les impôts des Savoyards que la Savoie se développe. La commune de
Dessalines doit demander la même chose à ses habitants. Ce n’est pas l’impôt des Savoyards qui doit développer Dessalines ! Il ne faut pas inverser les rôles même si nos moyens sont plus importants.
Cet accompagnement est global. Nous travaillons dans le domaine de la santé en direction des enfants, toujours pour sensibiliser à un minimum d’hygiène de vie. Dire à des gamins de se laver les mains avant de manger ça évite beaucoup de choses. Ce sont des gens formés qui passent d’école en école et s’appuient sur la structure hospitalière (hôpital méthodiste américain à Dessalines) pour faire ce travail. Hygiène bucco-dentaire, sensibilisation aux MST, grossesses précoces, enfin tout un travail en direction de la jeunesse.
En matière d’urbanisme nous participons à la construction de pistes pour desservir des sections rurales inaccessibles par la route. Comment voulez-vous obtenir un développement économique dans une telle situation ?
Quelques centaines de familles vont être retenues dans différentes sections rurales de Dessalines pour profiter d’un soutien de la FAO pour améliorer leur production agricole et sa qualité, et leur commercialisation. Ce type d’action a déjà été conduit par la FAO à Marmelade (qui topographiquement ressemble à Dessalines) pour permettre à des gens de se nourrir correctement et de vivre de l’agriculture.
Nous avons facilité, en lien avec l’État, l’implantation à Dessalines d’un Centre de Lecture et d’Animation Culturelle où les jeunes se retrouvent.
Certains se sont regroupés pour lutter contre la violence et nous les avons aidés à monter ce programme. Ils ont permis à des familles qui ne se parlaient plus de renouer des contacts.

Michèle Babinet :
Pensez-vous que la réussite de tels projets en coopération décentralisée favorise une sorte de contagion auprès des collectivités de France ?

Jean Fressoz :
Il y a une sensibilisation des collectivités locales à condition qu’on s’appuie sur les populations et que nos concitoyens nous suivent. Nous cherchons à obtenir une participation plus grande à nos actions locales comme la Semaine de la Solidarité Internationale ou à l’animation sur Haïti.
La coopération décentralisée se développe mais par rapport à Haïti elle est très modeste. Il y a une multitude de collectivités locales qui travaillent en Afrique. Haïti est aussi un pays francophone mais c’est très loin et la sécurité n’est pas garantie…
L’objectif de l’Association des Départements de France est d’essayer de sensibiliser d’autres Départements à des actions sur Haïti et d’utiliser des Départements « tête de pont » comme la Savoie.