Paru dans Rezo Nodwes

La petite minorité blanche d’Haïti a gagné la plus grande bataille, celle de nous avoir intégré dans la tête que nous sommes laids, mauvais, sales, diaboliques et que nous ne méritons pas de vivre et encore moins de vivre dans la dignité.

par Jude Mary Cénat

Je vis en Occident depuis plus de 10 ans maintenant et comme tout immigrant, je me suis fait la peau dure sur des aspects et je me suis ramolli sur d’autres. Chaque jour, j’essaie de choisir mes combats et pour certains, je ne les mène pas publiquement.

Parmi les combats que j’ai toujours refusés de mener publiquement, celui contre le racisme en est le plus important. Ne me demandez pas mes motivations à lutter contre le racisme, elles sont dans ma peau, elles sont dans le fait d’élever deux fils en Amérique du Nord, elles sont dans mon éducation parce que papa et maman se sont toujours battus contre toute forme d’injustice.

Alors que je travaille depuis plusieurs années maintenant de manière concrète sur les conséquences des discriminations raciales sur la santé mentale des jeunes des communautés noires en situation minoritaire en Amérique du Nord et en Europe, il y a quelque chose qui m’a toujours marqué et sur lequel j’ai toujours choisi de ne pas m’exprimer publiquement: le racisme en Haïti.

J’ai toujours choisi de ne pas en parler publiquement parce que j’ai toujours compris que c’est complexe, mais surtout parce que plus inconsciemment, j’ai toujours eu peur d’être traité comme quelqu’un qui jette de l’huile sur le feu ou un aigri. A bien analyser la question, j’ai compris qu’au contraire, ces deux arguments n’avaient d’autres objectifs que de nous réduire au silence sur une anormalité de l’histoire: la dominance d’une minorité blanche sur une majorité de personnes noires.

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